Les carnets d'Emile sont les souvenirs de mes aïeux, métayers dans le Lauragais, qui consignaient chaque jour le labeur familial sur un journal de bord. Nous sommes en 1951 au coeur de l'Occitanie.
Je recueille aussi la mémoire des traditions, des méthodes de travail, du quotidien au fil des saisons grâce à des documents authentiques (blog participatif)
contact : lauragais@lescarnetsdemile.fr
Elle reparaît au moment où l'on ne s'y attend plus... A la métairie, l'émoi est de taille... Retour à la borde lauragaise des années 50 avec un nouvel épisode de Ceux de la Borde Perdue
L'automobile ralentit et s'arrêta à la hauteur de la jeune fille qui marchait au bord de la route. Elle tenait un petit sac qui devait contenir quelques affaires et sa main gauche était enfouie ...
Quelques petits plaisirs occitans pour un billet hivernal... Bon week-end al canton del fòc...
L’ivèrn es pas bastard s'arriba pas d'ora arriba tard.
L'hiver n’est pas bâtard, s'il n'arrive pas de bonne heure, il arrive tard.
Quand les corbasses son a l'ensús, l'ivèrn nos tomba dessus ; quand les corbasses son a l'enbàs, l'ivèrn es passat
Quand les corbeaux volent haut, l'hiver nous tombent dessus, quand les corbeaux volent bas, l'hiver est fini
Se trona al mes de janvièr, i aura de blat a plens sestièrs
S'il tonne au mois de janvier, il y aura du blé à pleins setiers.
Nèu de febrièr es coma d'aiga dins un panièr, se s'ajoca coa coma una cloca
La neige de février est comme de l'eau dans un panier, si elle s'installe elle couve comme une glousse.
Al mes de febrièr, la nèu cocha pas sul fumièr.
La neige de février ne passe pas la nuit sur le tas de fumier.
Merci à Huguette, Aimé, Hélène pour leurs contributions. Merci à la famille Nardèse pour la si belle photo.
Contribution de Didier Agar via Facebook (un grand merci) :
Fa un fred que pèla.
Il fait un froid qui pèle
Nos torram aicí !
On se gèle ici
Fa un fred de gos.
il fait un froid de chien
Tridòli de fred.
Je tremble de froid
Coma reprovèrbi:
L’autan sus la torrada tira le boièr de la laurada.
L'autan sur la gelée sort le bouvier (le laboureur) du labour
Si vous connaissez d'autres dictons ou proverbes sur l'hiver, le froid qui étaient usités en Lauragais, n'hésitez pas à me les adresser. Nous complèterons ce post ensemble au fur et à mesure. Vous pouvez m'écrire àlauragais@lescarnetsdemile.fr
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Avons continué à faire des fagots au grand champ. Le camion de la coopérative de Baziège nous a porté 100 balles d'engrais super ç 50 kg et 300 d'ammonite à 50 kg et lui avons donné 120 kg de graine de fourrage pour passer au trieur.
A la Borde Perdue comme chez Augustin, après le temps de la réflexion vient celui des décisions. La plongée chez les métayers lauragais d'autrefois se poursuit...
A la Borde Perdue, Gabriel n'était plus tout à fait lui-même. Il brûlait du feu intérieur que provoquait la colère. Ces dernières semaines avaient été difficiles : l'absence de sa soeur lu...
Camille et Paulette sont allés tuer les cochons chez ses parents à Roou de Lux. Moi et Joséphine sommes allés le tuer à St Jean. Le chauffeur de Pech Jules de Ricaud est venu chercher le dernier foin 66 balles. l matin avant le jour j'ai fini une corbeille
La période hivernale jusqu'au milieu du XXe dans les fermes lauragaises est celle des prestations. Dans les carnets d'Emile, au mois de janvier, on trouve les mentions "nous sommes allés aux prestations", elles reviennent ainsi trois ou quatre fois dans la saison.
Il s'agit de services qui sont dus à la commune par tout propriétaire pour l’entretien des routes et chemins communaux. C’est la déclinaison en nature de la taxe vicinale établie par la loi du 30 mars 1903, elle peut être également acquittée sous forme financière. Dans certains cas, ce peut également être un cumul des deux.
Le plus souvent, les métayers sont donc mobilisés pour réaliser les journées dues par les propriétaires fonciers qui préfèrent souvent cette formule.
Tous les hommes sont réunis pour travailler pour la commune. Le nombre de jours dus était proportionnel à la surface agricole travaillée sur la commune.
Grâce aux photos de la famille Nardèse, des photos illustrant ces travaux collectifs qui donnent une idée précise de la façon dont cela se déroulait : curage de fossé, entretien des chemins communaux, débroussaillage, désherbage, élagage, taille des haies... Les hommes réunis au cours de l'hiver travaillent ensemble un nombre de jours donné proportionnellement à la surface de leur exploitation agricole. Par exemple, pour une surface de 38 hectares, chez Emile, les deux hommes consacrent 3 ou 4 jours chacun aux prestations.
Au début des années 60, cette taxe a disparu pour être incluse dans le montant de l'impôt foncier.
Merci à la famille Nardèse pour les formidables photos.
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L'hiver rendait la vie à Florac encore plus monotone et paisible qu'à l'ordinaire. Alors, depuis le café, on scrute, on discute de la vie des autres...
Hélène, elle, apprend tous les secrets de Baptistine la rebouteuse...
L'hiver rendait la vie à Florac encore plus monotone et paisible qu'à l'ordinaire. Même Yvon Auriol, le maire se trouvait presque désoeuvré et ne trouvait plus aucun sujet pour se mettre en co...
Avons continué à emballer du fourrage 50 balles. Suis allé à Villefranche faire souder des boîtes de pâté. Clément Dubois est venu chercher ma belle-mère et a pris 120 litres de vin pour la Chartreuse. Jules Pech est venu chercher 20 balles.
L'hiver saison morte pour le paysan ? Que nenni ! On s'active, on s'occupe, on s'organise, on anticipe les saisons à venir. "Evidemment, c'était moins stressant qu'un champ de fourrage à ramasser avant que l'orage n'arrive mais tout de même..." se souvient Aimé Boyer.
L'hiver est la période où l'on fait du bois. Rappelons que la borde est construite sur le modèle le plus classique du Lauragais et possède une pièce à vivre avec une cheminée immense, la seule pièce de la maison à être chauffée.
Souvent dans le contrat de métayage, figure cet entretien nécessaire des parties boisées de l’exploitation et la proportion du bois coupée qui revient au propriétaire. Les contrats varient en la matière en fonction des négociations menées mais le plus souvent il s'agit d'un partage à moitié, là encore.
Aimé précise : " On coupait les arbres, on montait des stères. Le petit bois, lui, était mis en fagots avec du fil de fer de récupération, de l’osier. Coincés avec le genou ou un instrument à serrer (las sarras), on formait les fagots ! Entassés par dizaines, pour les laisser sécher avant de les rentrer, pour faire des grandes flambées ou allumer le feu."
Le soin apporté aux animaux
Le soin des animaux dans l’écurie va prendre beaucoup de temps. Ne pacageant plus, il faut augmenter la ration de fourrage à distribuer aux bovins. Il faut régulièrement leur apporter un mélange de paille et de luzerne et bien-sûr évacuer les excréments. Pour cela, une brouette est mobilisée deux fois par jour sinon l’ammoniaque investit l’étable, ce qui n'est pas bon pour la santé des animaux. Il faut également nettoyer les mangeoires avec une régularité scrupuleuse.
Avec un grand couteau, on racle les salissures que les vaches accumulent en se couchant sur la bouse. Une fois sec, le pelage est brossé et cardé.
" Deux fois par jour on sortait le troupeau, paire par paire, pour aller boire soit à la mare, soit au puits où il fallait pomper l’eau. C’était un moment de jeu et aussi d’autorité. Dans le troupeaux, il y a des bêtes au caractère fort, un peu rebelles
Lorsque l’eau est arrivée dans les fermes, cette tâche a été considérablement allégée." rajoute Aimé.
Avant Noël, le gavage des canards et autres oies était un moment important.
Chez Emile, ces produits étaient non seulement pour la consommation familiale mais étaient également vendus à des acheteurs qui venaient directement à la métairie ou sur le marché de Castelnaudary que fréquentait la famille. Selon les contrats, le bailleur pouvait prétendre à une partie des bêtes qu'il venait parfois choisir lui-même, une fois abattues.
C'est aussi la période où l'on tue le cochon. Outre celui de la maison, on aide aussi parents et amis qui le tuent à leur tour. Les salaisons sont un aliment important du régime alimentaire d'alors. Il faut pour chaque cochon au moins deux jours : un pour le tuer et le préparer, l'autre pour le débiter et réaliser les diverses préparations : saucisse, boudin, jambon etc... Voisins et amis viennent prêter main forte comme on le fait tout au long de l'hiver à son tour chez eux. Le troisième jour, en cercle restreint, est consacré aux dernières préparations et au rangement
Fabriquer et réparer l'outillage pour la saison suivante
Quant l'étable devient un atelier : Les jours de grand froid étaient occupés à fabriquer des paniers, des balais, des manches d'outils, des outils eux-mêmes (râteau,...). On fabriquait ou réparait les barreaux des râteliers, des échelles. Ces travaux ce déroulaient dans l’étable. "Les voisins venaient faire un tour, et discuter un peu, prendre des nouvelles, échanger des conseils."
On profitait de cette période pour entretenir les bâtiments : réparer ou repeindre les volets, portes...
"On réparait aussi les chaînes avec de faux maillons. On tournait les dents de la canadienne, changeait les plaques d'usure des charrues. Il fallait les démonter et les porter chez le forgeron (le faure en occitan). On rapiéçait les "juilles" pour joindre les vaches au joug (le jo) avec des rivets ou du crin, pour ça il fallait être équipéd'alênes comme le cordonnier."
Entretenir les abords et les prestations
Entretenir les bordures de champs, les tertres, couper les buissons, creuser les fossés, tailler les haies, procéder à l'élagage étaient autant de tâches hivernales.
On y procédait aussi pour les chemins communaux dans le cadre des prestations, ces journées de travail dues à la commune pour son entretien en fonction de la surface travaillée (voir article dédié ici)
Mais l'hiver c'est aussi la période des veillées entre voisins, entre amis ou parents. Nous y reviendrons dans un prochain post.
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