Lauragais d'Autrefois (203) : l'histoire de Pépé
Publié le 4 Février 2023
Il y a près de trois ans, Pierre Touja - dit Pépé - m'avait contacté pour me confier son histoire, l'histoire d'une enfance singulière au coeur du Lauragais des années 30 et 40. Elle est jalonnée de journées ensoleillées au bord du Canal du Midi mais aussi d'un accident qui a changé le cours de son destin. Je l'ai mise en mots en espérant lui avoir été fidèle et j'ai le plaisir de vous la proposer à nouveau en deux épisodes, aujourd'hui et la semaine prochaine. Elle mérite d'être redécouverte...
"Je suis né dans le Lauragais des années 30, à Gardouch, alors que mes parents n’étaient encore que de très jeunes adultes. Le vert Canal du Midi y glisse lentement entre les arbres tel un serpent calme. Mes grands-parents y habitaient.
Mon père, Etienne, pour gagner sa vie et la nôtre, participait à divers travaux saisonniers à la journée : fenaisons, battages, vendanges… Il louait sa force, ses bras et l’énergie de sa jeunesse dans les bordes alentours alors que la mécanisation, timide, avait décidé de se faire attendre encore un peu. Ma mère, Germaine, faisait des ménages, de l’entretien dans les maisons dont les familles voulaient bien la solliciter.
Monsieur Robert, l’instituteur du village, un homme très apprécié, leur faisait le cadeau de son amitié bienveillante. Cet homme était membre du conseil d’administration du château de Dabeaux à Aurignac où étaient alors accueillis et scolarisés des enfants qui avaient des difficultés familiales.
L’enfant caché
Il offrit à mes parents l’opportunité inespérée d’avoir du travail pour chacun d’eux : Etienne mon père s’occuperait de la ferme et entretiendrait le château, ma mère Germaine y serait femme de maison, cantinière, lingère… Une condition difficile leur fut cependant imposée, une condition intenable pour de jeunes parents : les enfants ne pourraient les y accompagner.
Mon très jeune frère fut confié à des amis toulousains provisoirement et moi, du haut de mes trois ans, je devins l’enfant caché du château. Lorsque nécessaire, dès que les pas du directeur résonnaient dans les couloirs, je me dissimulais sous les grandes marmites de la cuisine, dans les creux du bois que mon père aménageait sur la charrette lorsqu’il rentrait des bûches et mille autres cachettes encore.
Le drame
Un enfant caché n’en reste pas moins un enfant et alors que ma mère était occupée à laver du linge, j’échappai par une journée ensoleillée à sa surveillance et courus dans le pré retrouver mon père qui fauchait. Il était occupé à enlever le foin qui obstruait la bielle de la faucheuse lorsque je m’approchai. Les vaches qui tiraient l’engin eurent un mouvement et le drame se noua dans l’instant : ma jambe gauche fut sectionnée sous le genou.
On me conduisit dans l’urgence à la clinique de Saint Gaudens, le foin jugulait un peu l’hémorragie en faisant une sorte de tampon.
Aujourd’hui avec les progrès de la médecine d’urgence sans doute aurait-on sauvé ma jambe mais on me sauva bien plus ce jour-là puisqu’on me conserva la vie..."
(à suivre)
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