Les carnets d'Emile sont les souvenirs de mes aïeux, métayers dans le Lauragais, qui consignaient chaque jour le labeur familial sur un journal de bord. Nous sommes en 1951 au coeur de l'Occitanie.
Je recueille aussi la mémoire des traditions, des méthodes de travail, du quotidien au fil des saisons grâce à des documents authentiques (blog participatif)
contact : lauragais@lescarnetsdemile.fr
Au fil des pages des carnets d'Emile, au cours des témoignages publiés ici, nombreuses sont les mentions qui concernent les animaux de trait et les boeufs en particulier. Nous les avons déjà évoqués lors d'un article (voir ici), intéressons-nous aujourd'hui aux différents clichés reçus les concernant. Chevaux, boeufs sont, encore dans les années 50, largement mobilisés pour tracter les charrettes de foin, tracer les sillons avec le brabant, affiner la terre avec la herse et tant d'autres tâches encore.
Les boeufs sont souvent de race gasconne comme nous l'avait rappelé Aimé B. dans l'article cité précédemment et on leur portait un soin très attentif car ils constituaient la force motrice de l'exploitation.
Par paire, arnaché d'un joug qui devait être le plus ajusté possible pour ne les blesser, les boeufs parcouraient ainsi les champs avec l'homme qui les conduisait avec l'agulhada ou tocado (aiguillon).
Voici grâce à nos contributeurs nombreux un aperçu des bêtes de trait au travail.
Lexique occitan :
bœuf : buòu
cheval : caval
joug : jo
pare-mouches (émouchette) : moscalh
aiguillon : agulhada, tocado
Merci à tous les contributeurs des carnets d'Emile pour le partage des ces photographies : famille Nardèse, Aimé Boyer , Laure Pagès, Serge Arnaud, Christiane et Jean Françoise Bruno, Jean-Claude Rouzaud
Pour retrouver facilement ces posts et les voir dans leur ensemble vous pourrez cliquer sur la nouvelle catégorie du blog :Lauragais agricole d'autrefoisou sur l'onglet en haut de page.Ils seront également écrits en bleu pour les distinguer des posts du quotidien de la vie d'Emile.
La métairie dans laquelle vivent Emile et les siens est bâtie sur le modèle le plus répandu dans le Lauragais. L’habitation et les dépendances, en pierre, sont ainsi construites dans la longueur, en un seul corps. Le facteur climatique prévaut : la construction est orientée d’Ouest en Est dans le sens des vents dominants, Cers et Autan.
Lors des gros travaux et notamment les battages la poussière est ainsi emportée vers les champs et non l'habitation ou les dépendances.
Le corps principal du bâtiment, présente une large porte à 2 battants qui permet d’accéder à l'étable, après avoir traversé latéralement un couloir. L'étable accueille les 6 bœufs de trait (puis deux seulement après l'arrivée du tracteur), ainsi que quelques vaches, veaux., repoupets. Cette disposition permet de jeter un œil aux bêtes en rentrant dont on a vu, ici, l'importance de leur rôle dans l'exploitation familiale y compris après l'arrivée du tracteur.
Au dessus, sur le plancher se situe un grenier qui permet le stockage de foin pour nourrir les bêtes, d’où son nom, la fenial. On y accède par une échelle de meunier puis une trappe qui se soulève en tirant sur une corde.
Si l’on suit le couloir de béton en pente douce, on arrive dans la pièce à vivre de la maison. Elle abrite la cuisine dont le sol est recouvert de tommettes rouges, un buffet, une cuisinière à charbon, une grande table et une cheminée monumentale avec un foyer immense. Le tirage de cette cheminée n’est pas de qualité et nécessite paradoxalement, même au plus froid de l’hiver, de laisser la porte du couloir entrouverte pour éviter un enfumage copieux de la maison.
Au fond de cette même pièce, un escalier de bois permet d’accéder à l’étage. Un couloir sombre dessert 4 chambres, l’une d’entre elles a été cloisonnée pour être divisée en deux à la naissance de la 2e fille du couple, l’espace y est donc assez exigu.
L’éloignement de la cheminée et son fonctionnement loin d’être optimal font que lorsque surviennent de grands froids hivernaux, du givre peut apparaître la nuit à l’intérieur des carreaux avec la condensation due à la respiration. Le plumon, ce gros édredon rempli de duvet de canard ou d’oie, n’en est que plus essentiel.
Dans la longueur du bâtiment, à l’Est, « côté vent d’autan » comme on disait, se situe un hangar, au sol en terre battue, qui abrite un lavoir en ciment.
On trouve à l’Ouest, « côté vent de Cers » cette fois, un hangar ouvert et attenant au bâtiment principal permettant d’abriter du matériel agricole. Le nombre d'arches d'un hangar était souvent - lors de la construction - proportionnel à la surface d'exploitation pour stocker matériel, récoltes et pailles en conséquences. Une arche représentait environ pour une douzaine d'hectares.
Enfin une dernière construction, plus basse, aux murs en pierre très épais et percée d’une seule ouverture, est dénommé « cave ». Comme son nom l’indique on y stocke les tonneaux de vin de la récolte familiale annuelle.
La cour est vaguement empierrée et une grande partie est herbeuse sur laquelle divaguent des volailles.
Près d’un immense ormeau, un autre bâtiment de pierre, en face du corps principal de la ferme, les y abrite pour la nuit. Il reçoit aussi les canards, on les gave à l’intérieur, la saison venue. Des boxes séparés, qu’on appelle soutes, permettent d’accueillir et élever les porcs.
Au fond de la cour près du champ, un vieux poste électrique abandonné permet de loger des clapiers pour y élever des lapins. Pas très loin, on a édifié un crib pour sécher le maïs.
Un chemin vert, bordé de quelques noisetiers, descend en pente douce vers le puits situé une centaine de mètres plus bas, la mare et le potager qui est pourvu d’un bassin qui permet l’arrosage des semis et plantations.
C'est dans cet espace très délimité avec des zones dédiées à chaque aspect de l'exploitation familiale que vivent et travaillent Emile et sa famille.
Merci à Berthe Tissinier et Jean Nardèse pour les photos partagées.
Grâce aux trésors photographiques partagés par la famille Nardèse, nous voici aujourd'hui face à un tracteur à chenilles. Et pas n'importe lequel, il s'agit d'un Mc Cormick International et plus exactement un TD18, semble-t-il.
Les tracteurs agricoles se sont développés en France depuis la fin de la 1ère Guerre Mondiale mais ils ont connu leur véritable essor dans les campagnes à partir des années 40. Cependant, dans bon nombre de métairies, leur arrivée s'est longuement faite attendre en rais, de moyens financiers limités ou de la force des habitudes du travail avec les boeufs.
Comme nous l'avait dit Emile dans l'article qui lui était consacré (ici), il se souvient parfaitement de cette transition qui, le concernant, a eu lieu au tout début des années soixante. "Nous avons beaucoup hésité car il y avait de nombreuses discussions autour de cela. Les anciens étaient contre, n'en voyaient pas l'intérêt car nous avions toujours travaillé avec les boeufs. Le propriétaire me mettait en garde, un tracteur c'était un investissement et de l'entretien, du carburant... Et puis, il y avait ces histoires d'accidents. De temps en autre, il en survenait un, parfois grave, qu'on apprenait. C'était souvent faute d'une maîtrise suffisante de l'engin. Et ici, dans les coteaux, il y avait un risque supplémentaire, une crainte...je sais que certains disaient qu'avec mes 15 hectares d'alors, je ne m'en sortirais pas en faisant cet investissement."
Pour cette transition, beaucoup de paysans ont conservé des boeufs pour les endroits les plus inaccessibles ou plus étroits comme la vigne par exemple ou pour utiliser des outils agricoles qu'on ne pouvait pas atteler au tracteur. Chez Emile, la transition s'est faite plus sèchement, la vente des boeufs ayant contribué à l'achat du tracteur. Si le changement a réduit la peine de travail et le temps qu'on consacrait à une tâche "peut-être par 10 !", Emile en avait nourri des regrets.
"Mon premier tracteur était un Farmall. Une fois garé sous le hangar, on réalise qu'on a face à soi un objet inerte, de tôle, sans émotion. On a beau dire ce n'est pas pareil que les boeufs auxquels j'étais très attaché et dont j'aimais m'occuper. Je me souviens encore du jour où ils sont partis. Le camion était garé dans la cour, là devant la maison, et il sont montés lentement à l'intérieur..."
Le TD18 présenté ici a été construit à 19000 exemplaires entre 1939 et 1955. Il est muni d'un moteur diesel International à six cylindres en ligne. Sa boîte comporte 6 vitesses. Ses deux phares lui donnent l'air imposant d'un curieux insecte. La version la plus large (2,33 m) dépassait 10 tonnes.
Cela a pu donner lieu à quelques anecdotes que l'on raconte encore dans nos contrées lauragaises. Aux abords des fermes, on avait parfois l'habitude de mettre la récolte de haricots secs sur la route pour que le passage des véhicules contribue à les battre pour les écosser. S'il arrivait par malchance que l'un de ces véhicules soit un tracteur aussi lourd que le TD18, on imagine sans peine l'état des haricots qui avaient eu le malheur de se trouver sur la trajectoire des chenilles d'acier...
Pour faciliter ces transitions, le Ministère de l'agriculture éditait des brochures pour accompagner pas à pas les nouveaux acquéreurs de tracteurs (voir photos). Nous en proposerons prochainement d'autres extraits.
Mes remerciements renouvelés à Berthe et Jean pour le partage de ces photos tellement évocatrices de ces vies d'antan.
Merci à Louis, Denis et aux membres de l'association LE PASTEL pour leurs éclairages précieux et le partage de leurs connaissances si précises sur les tracteurs.
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Dans les écrits d'Emile, on voit régulièrement que les labours sont confiés à une entreprise surtout dans les périodes où le tracteur est absent. Aimé Boyer nous raconte comment cela se passait :
"Les charrues balances permettaient la réalisation du labour à plat. Quand une partie de la charrue était dans la terre, l’autre est en l’air grâce à un système de glissière. Actionné par la force du tracteur, l'appareil changeait de position grâce à un sytème proche du balancier.
Dans le Lauragais elles était équipées de deux socs de chaque côté et de deux roues, qui constituaient l’axe de la balance.
Le tracteur à chenille qui les tractait avaitdeux caractéristiques essentielles à savoir pour la première, un rayon de braquage très court sur une roue bloquée et la deuxième résidait dans l'adhésion au sol. (voir ici une vidéo de démonstration)
L'entrepreneur mandatait un chauffeur pour le tracteur et un conducteur pour la charrue qui se remplaçaient.Il y avait un volant de chaque côté avec un siège.
L’agriculteur dont on labourait la terre était là pour accrocher et décrocher la charrue au tracteur grâce à un câble d’acier torsadé.
Équipé d’un gros anneau. en arrivant au bout du sillon, le tracteur donnait un petit coup de marche arrière qui permettait de décrocher et poser le câble sur la charrue en l’air.
Après avoir tourné, le tracteur revenait se mettre en place, l’agriculteur accrochait l'anneau en passant et venait se positionner pour aider à basculer la charrue. Pendant que le conducteur était venu se positionner sur la charrue en l’air, le tracteur sans s’arrêter, déclenchait le mécanisme de balance. Le conducteur s’appliquait à faire aller les roues au plus près de la tranche du guéret (nb : dans un champ labouré, terre non encore labourée). Le tracteur positionné sur le guéret suivant l’inclinaison du champ tenait la charrue au plus près de la tranche.
A minuit on procédait à un changement d’équipe. Ils venait remplacer la première équipe jusqu'à midi. L’agriculteur se débrouillait pour avoir un remplaçant, cela pouvait durer deux ou trois jours.. Quel calme quand tout cela était terminé... Le labour à plus de 40 centimètres produisait de grosses mottes qui allaient fondre avec le gel qui comme l'a dit Louis Brunoet donnait envie de marcher pieds nus…. nous ne nous en privions pas.
A midi lors de la relève on faisait le plein, graissage, nettoyage, remplacement des socs, tourner le carrelé si besoin, et boire un petit jaune, fabriqué maison, avec de l’extrait d’anis et de l’eau de vie,.
Ce type de charrues, était largement utilisé par nos amis vignerons, de l’autre côté de la Montagne Noire."
Retrouvez mes romans sur les traditions et les paysans d'autrefois sur mon autre site (clic)
Un immense merci à Aimé Boyer pour ses témoignages toujours passionnants
Merci à Berthe Tissinier pour les photo transmises
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A la saison d'automne, commençait la période du gavage des canards gras. Les canards avaient été élevés depuis la fin de l'été en plein air puis durant 3 semaines étaient gavés avant d'être vendus prêts à être transformés ou, selon le choix de l'acquéreur, déjà transformés. Les confits, les foies gras, les salés sont autant de savoir-faire que l'on mettait ainsi en valeur. Selon les métairies, on faisait le choix de gaver les canards, des mulards pour la plupart, au maïs blanc ou au maïs jaune. Cette espèce est un croisement de canard de barbarie et de Pékin.
A l’âge de 3 ou 4 semaines, les canards étaient élevés en plein air, sortis le matin et rentrés le soir en raison de la présence possible de prédateurs tels le renard ou la belette.
Berthe se souvient : "Avant d’en arriver là, la cane couvait ses œufs et au terme de quelques semaines apparaissaient de petits canetons. Commençait alors un long travail de surveillance de toute cette petite famille car la cane suivait le cours d’un petit ruisseau et se perdait avec sa petite famille dans la campagne. Combien d’heures avons-nous passé à arpenter la campagne à leur recherche pour les ramener à la maison ? Ma mère mettait à intervalles réguliers des œufs à couver pour pouvoir, l’hiver venu, gaver une couvée lorsque la précédente était mise « en salé ». Cet élevage demandait un suivi particulier car il fallait en amener le plus grand nombre possible jusqu’au gavage."
Le gavage commencait, vers 13 ou 14 semaines, pour une période d’une trois semaines Avec un entonnoir muni d’une manivelle entraînant une vis sans fin, un embuc, on remplissait le jabot du canard avec du maïs préalablement gonflé à l’eau. On s’astreignait à cet exercice matin et soir. La femme chargée de ce travail saisissait le canard qu’elle immobilisait entre les jambes, parfois dans une caisse de bois munie d’un couvercle à rabat sur lequel elle s’asseyait permettait de ne laisser dépasser que le cou de l’animal puis elle introduisait l'embuc tandis qu’elle aidait d’une autre main à faire circuler le grain vers le jabot. De son savoir-faire dépendait la réussite de l’entreprise. Il fallait connaître les canards pour les gaver de manière optimale sans atteindre l’excès qui pouvait leur être fatal.
Berthe témoigne : "Le gavage se faisait le matin très tôt et le soir très tard, avec du maïs blanc récolté à la ferme. C’était un travail supplémentaire très dur pour les femmes. Au terme de trois semaines, environ, les canards étaient prêts. La veille on les faisait jeûner, le matin avec l’aide des hommes de la maison les canards étaient « saignés », puis plumés par mes sœurs et de cousines venues ainsi passer quelques jours à la maison. Plumage à sec d’abord car on gardait le duvet pour en faire les fameux édredons (la couette du temps jadis) qui nous tiendraient chaud tout l’hiver, ou bien vendre ce duvet aux chiffonniers qui passaient alors dans les campagnes."
Dans les années 50, le foie gras était déjà un produit de luxe et, même à la métairie, il etait réservé aux occasions spéciales telles les fêtes de famille, à l’occasion, par exemple, d’un baptême, d’un mariage mais il pouvait aussi être servi lors des grandes tablées réunies pour les vendanges, la dépiquaison ou lorsqu’on tuait le cochon.
Dans le cadre du métayage, on partageait avec le propriétaire comme le raconte Berthe : "Le lendemain les patrons venaient chercher leur part, c’était prévu dans le contrat, et bien entendu ils choisissaient….les plus beaux ! Mais c’était le jeu !"
Berthe se rappelle encore de la préparation qui suivait: "Venait alors le découpage et la mise au sel. Le lendemain était réservé à la cuisson, dans un grand chaudron en cuivre, et la mise dans les grand pots de grès, on recouvrait la viande de graisse chaude, le lendemain ou le surlendemain quand la graisse avait bien pris, on recouvrait le pot d’un épais papier kraft sur lequel on notait la date et l’on remisait ces pots au frais, sur la plus haute étagère de la cuisine ou d’une pièce froide, cela assurait la nourriture pour toute l’année."
Une grande partie était destinée à la consommation de la famille, des clients fidèles viennent à la métairie se servir directement mais on écoule aussi cette marchandise sur les foires et marchés du secteur. On gavait ainsi plusieurs petites cohortes de canards d’affilée à la fin de l’automne et au début de l’hiver.
Mes remerciements à Berthe et sa famille pour le témoignage et le cliché présenté.
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L'automne amène à penser aux vendanges d'antan en Lauragais. Voici le témoignage d'Aimé Boyer, ses souvenirs de vendanges assortis des photos confiées par la famille Nardèze, d'exceptionnelles photos en couleurs qui permettent un retour très réaliste à la charnière des années 50 et 60. Un immense merci à Aimé et à Berthe.
"Avec l'automne venait le temps des vendanges (la vendémias).
Avec un couteau, ou des petits sécateurs adaptés à cette tâche, on coupait précautionneusement les raisins avant de les poser dans un panier d’osier, souvent fabriqué à la main durant l’hiver précédent.
On faisait passer les paniers pleins d’un rang à l’autre pour les vider dans une comporte.
Un préposé chargé du remplissage tassait ses raisins avec une cachadoira (outil pour presser, pour appuyer de cachar, presser) .
A midi ou à la fin de la journée, une équipe d’hommes transportait ces comportes pleines. Au bout de la vigne, il fallait être deux avec deux barres (las pals) passées sous les poignées de la comporte, un homme devant, l'autre derrière.
Une autre équipe chargeait sur la charrette (plus tard la remorque basse). A l’arrivée devant la cave,
il fallait passer tout ce raisin au fouloir pour les écraser, et les vider dans une cuve afin de le mettre à fermenter.
Une équipe d’hommes, installée sur un échafaudage, vidait la comporte dans la cuve. Ils nivelaient avec une fourche pour que la masse soit homogène. Pendant que le reste de la colle s’activait à tourner la manivelle du fouloir, il va sans dire qu’il y avait quelques plaisanteries ! Quelques grappes de raisin qui se baladaient pour barbouiller ses camardes de moût (se mostar).
Quand il n’y avait pas de fouloir, il fallait faire avec les pieds nus en entrant dans la comporte.
Ici c’était la fête des farces! Les femmes se retroussaient les jupes, les hommes les pantalons . On riait mais le travail avançait quand même.
Pendant ce temps dans la cuisine on s'activait pour servir aux travailleurs : la soupe, le pâté, les haricots, le macaroni, le poulet rôti et bien-sûr quelques desserts maison. Que d'agréables souvenirs !
Si, lors des battages (las batesons) il y avait de la poussière, les vendanges étaient souvent troublées par la pluie. Quand on avait commencé le remplissage de la cuve il valait mieux terminer le terminer sinon la fermentation pouvait être compromise. "
Petit glossaire occitan des vendanges lauragaises :
Après la récolte du maïs, il fallait l'entreposer et veiller à ce qu'il sèche dans de bonnes conditions. La plupart des fermes étaient munies de cribs (ou crips). Ces séchoirs à maïs permettaient donc de stocker le maïs en épis. Ils étaient érigés au soleil, le plus souvent perpendiculaires au vents dominants, cela constituait un moyen de séchage naturel.
Aimé B. se souvient :
"Les premiers ont été construits avec des files d’acacia, posés sur des plots en béton, fait main(du solide), reliés avec des entretoises fixées avec des boulons. On fixait ensuite du grillage avec des clous cavaliers. Pour le remplir, on montait avec une échelle le sac sur l'épaule. Plus tard il y a eu les élévateurs et les remorques en vrac. On couvrait les crips autant que possible pour les protéger de la pluie. Certains fabriquaient les leurs avec des pylônes électriques de récupération et avec des cornières soudées."
On en vidait aussi parfois sur les galetas en veillant que la couche de maïs ne soit pas trop épaisse pour faciliter le séchage et en maintenant également un courant d'air favorable.
Aimé : "Il y avait parfois quelques nuits animées par les rats circulant sur les tas de maïs vidés au dessus les chambres."
Merci à la famille Nardèze pour les fabuleuses photos tellement explicites et à Aimé, si fidèle à ce blog, pour le partage de ses souvenirs.
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Deux époques de la récolte du maïs (récolter et descolefar)
En ce moment les champs de maïs sont récoltés. Voici un témoignage d'Aimé sur la récolte du maïs avant la mécanisation :
"Dans le champ, il nous fallait un panier, quelques saches, et souvent un outil, le punto, ou alors à mains nues. Le punto, ce petit bout de bois pointu bien effilé, servait à ouvrir l’enveloppe de l'épi (la cabòça) en deux par le milieu.
Cette opération faite on tirait vers le bas, pendant qu’une main tenait les deux parties de l’enveloppe, l’autre main coupait la cabosse au ras de la tige.
Après la récolte, avec une faucille, on coupait les tiges (las cambòrlas), on faisait des tas, pour charger sur la charrette (la carreta) sans oublier de poser des râteliers pour faire un chargement plus large.
Pour libérer le champ afin de semer le blé ? les pieds de maïs pouvaient être coupés avec la faucille (la fauç).
On en faisait un grand tas, pour être les dépouiller (descolefar) à la veillée avec les voisins. La soirée se terminait souvent avec un vin chaud. ou alors avec une petite goutte de prune, histoire de goûter la nouvelle de l'année.
Les tiges étaient stockées car elles étaient consommées par les bovins qui en étaient gourmands. C'était surtout utilisé surtout pour remplissage, pour activer le rumen, la digestion ruminale.
Les tiges qui restaient, sorties du râtelier, servaient de jalons, pour semer le blé, quand il était semé à la main."
Dans les carnets d'Emile, il est également mentionné que les jambes de maïs, las cambòrlas qu'il appelait aussi les tronçons, lorsqu'elles étaient en excès étaient réunies et brûlées au bord du champ.
Merci à Aimé pour son témoignage, à Serge et Berthe pour les photos témoignant de deux époques différentes de la récolte du maïs.
Le prochain post sera consacré au stockage du maïs, photos et témoignage à l'appui...
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Dans un extrait récent des carnets, le jeudi 21 avril 1960, Emile a noté que Monsieur Pech est venu retirer des balles de paille.
Voici l'authentique photo de ce camion envoyé par Jean-Claude Rouzaud :
Les nombreuses mentions consacrées aux pailles et fourrages témoignent de l'importance que cela revêtait pour le paysan des années 50. Ils constituaient litière et nourriture pour le bétail.
A la signature d'un contrat de métayage, leur volume stocké était estimé à l'arrivée du preneur et figurait dans l'inventaire annexé au contrat et il devait y en avoir autant à leur départ.
Voici l'extrait du contrat de la métairie d'Emile :
Et de l'inventaire d'arrivée à la métairie :
Les fenaisons occupaient une grande partie du printemps et constituaient un long travail pénible. Entre le début du printemps et l'automne, s'échelonnaient ainsi 4 coupes. Il fallait faucher, laisser sécher et ramasser avec une charrette qui faisait de multiples allers-retours jusqu'au champ avant de les stocker. L'inquiétude majeur concernait les caprices météorologiques qui pouvaient tremper le foin.
Voici une faucheuse, photo d'Aimé Boyer :
Cette photo envoyée par Berthe Tissiner et déjà publiée ici, rappelle ces travaux :
Lorsqu'on le pouvait, on en vendait une partie pour un revenu complémentaire.
Aimé Boyer se souvient :
"Le marchand de foin était habituellement sur le marché, au cours de l’hiver et rentrait en contact avec d’habituels vendeurs, du surplus de fourrage. Les vignerons du Languedoc Roussillon ne produisaient pas suffisamment de fourrage pour alimenter les chevaux qu’ils utilisaient pour travailler leurs vignes, Les foins et fourrages du Lauragais, région voisine, leur convenaient parfaitement.
Bien-sûr, avant l'achat définitif, le marchand venait se rendre compte sur place de la qualité l'année. Pour vérifier, il enfonçait, sa main dans le tas de fourrage, le sentait, regardait sa couleur avant de proposer un prix, Mais si le prix ne convenait pas, il allait un peu plus loin dans le tas, reprenait une poignée et parfois annonçait un prix plus élevé,
L'affaire se discutait ensuite dans la cuisine, on s’attablait et on discutait à bâtons rompus devant l’incontournable bouteille de vin. On concluait la vente. Puis, il venait chercher en vrac avec un camion ou bien venait le mettre en balles avec la presse à foin déjà décrite dans les Carnets d'Emile."
Cette presse à foin à bras, nous avait été décriteici, par Emile Teysseyre :
"Le foin était transporté en vrac durant très longtemps, ce qui n'était guère pratique. Les Américains nous ont apporté ces presses à foin que l'on remplissait de foin avant que deux hommes assurent la remontée d'une plateforme qui compressait le foin. Un véritable travail de force qui nécessitait d'actionner deux leviers latéraux. Il fallait ensuite manuellement, avec une aiguille adaptée faire passer le fil de fer à travers la botte réalisée pour la lier en 5 endroits."
Emile en avait fabriqué un modèle réduit dont voici le cliché :
En voici une photo lors d'une démonstration adressée par Jean-Claude Rouzaud :
Enfin, voici une presse photographiée grâce à l'association Le Pastel :
L'article consacré aux battages, grâce au témoignage d'Aimé, présentait la façon dont les balles se faisaient grâce à la presse (voir ici) et comment elles étaient stockés : sous les hangars lorsque c'était possible et en élaborant un pailler pour le surplus (voir ici).
En voici une photo proposée par Berthe Tissiner :
Pour finit petit lexique occitan bien imparfait sur cette thématique (rappel les -a finaux se prononcent o) :
fourrage : la pastura
le foin : le fen
la paille : la palha
le fenil : la fenial
le pailler : le palhèr
faucher : dalhar
Merci à Berthe Tissinier, Jean-Claude Rouzaud, Aimé Boyer, Emile Teysseyre, l'association le Pastel.
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Louis Bruno était agriculteur en Lauragais, fermier plus exactement. Retraité, il a consigné ses souvenirs dans des cahiers que sa famille partage avec nous aujourd'hui. Dans de précédents posts (ici etlà), nous avions découvert sa description des travaux de printemps puis les activités de début d'été (là).
"Pas de trêve possible, piquage des faux et leur mise en condition pour détourer les champs et permettre le premier passage de la moissonneuse lieuse, lesquelles avaient été pourvues de leurs toiles élévatrices et vu leurs lames passées à la meule à aiguiser.
On faisait aussi ferrer de neuf les boeufs et les chevaux car désormais leurs onglets ou sabots ne supporteraient pas le coup.
La moisson devait se faire par temps sec en l'absence de rosée mais avant la surmaturité, le grain finissant mieux en gerbes assemblées en "tavels" tas de douze unités assemblées tout à la suite du passage de la lieuse tirée par des attelages de boeufs ou chevaux que l'on remplaçait deux fois par jour afin de profiter des heures favorables et avancer le plus vite possible craignant aussi le risque d'égrenage (grêle ou vent d'autan).
Avait-on tout juste fini la "sego" que sans même prendre le temps de souffler on étrennait l'aire de battage ou sol par l'égrenage des fèves récoltées, tiges entières, arrachées à la main , étalées au sol et battues au rouleau de pierre.
Commençait alors le gerboyage qui consistait à acheminer la récolte sur l'aire précitée et la rassembler en de beaux gerbiers dressés jusqu'à 8 à 10 mètres de haut ou bien entreposée dans les hangars pour ceux qui en avaient suffisamment. Vers la fin de la deuxième décade de juillet, les dépiquions pouvaient commencer mais entre temps, il fallait aussi faire une deuxième coupe de regain toujours précieuse pour les réserves d'hiver, abondante ou modeste, tributaire des orages d'été."
(les battages à suivre dans un nouveau post)
Un immense merci à Daniel Bruno - ainsi qu'à Christiane et Jean-François Bruno - pour avoir partagé les écrits passionnants de Louis.
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Ce samedi 18 septembre, débutera dans les Carnets d'Emile une série consacrée aux années de guerre dans les métairies et fermes du Lauragais.
Situations familiales, réquisitions, occupation, sytème D, approvisionnement en farines et autres denrées, craintes seront évoqués grâce à des témoignages exclusifs que vous retrouverez ici au cours d'une série de posts qui s'étendra sur quelques semaines.
Vous y découvrirez les souvenirs de ceux qui ont vécu cette époque difficile au coeur des bordes lauragaises.
Si vous aussi vous souhaitez apporter votre éclairage (témoignage, souvenir, document...) concernant ces années difficiles, vous pouvez me contacter à cette adresse : lauragais@lescarnetsdemile.fr
Dans le post précédent, Aimé a évoqué pour nous les souvenirs de ses Noël d'enfant à la fin des années 30. Aujourd'hui, voici ceux de Berthe dans les années 50. Mes remerciements les plus chaleureux pour cette contribution.
Joyeux Noël à tous les lecteurs des Carnets d'Emile !
"Je suis née en 1950 dans une ferme du Lauragais. Mes parents étaient alors métayers, « à moitié », c’était des conditions très dures à l’époque mais ils avaient eu la chance de tomber sur des propriétaires compréhensifs qui voulaient avant tout maintenir leur ferme car ils étaient pharmaciens dans l’Ariège. D’ailleurs ce furent mon parrain et ma marraine.
Nous étions 6 enfants et je suis la 5ème.
Les Noëls étaient des jours pratiquement comme les autres, le travail était le même car il y avait beaucoup d’animaux.
Comme c’était un petit village il n’y avait pas de messe de minuit mais un office le jour de Noël.
Les cadeaux du marché de Castelnaudary
Malgré tout le Père Noël se débrouillait pour déposer des cadeaux dans les souliers laissés au bord de la cheminée car en ce temps là on ne faisait pas le sapin de Noël ! Au matin nous y trouvions, une mallette de jeux de société pour pouvoir faire d’interminables parties de jeux tous ensemble, des souliers tout neufs, des pulls tricotés par les grandes filles, des bonnets, des cache-nez, des gants, la plus gâtée c’était moi car ma marraine m’offrait de beaux habits, des chocolats et des dattes (mets très rare à l’époque) .
Aussi loin que remontent mes propres souvenirs je me rappelle d’une magnifique poupée en caoutchouc, les poupées « Mimi » avec une belle robe bleue et d’une petite armoire pour ses habits peinte en blanc (je sais aujourd’hui que ce n’est pas le père noël qui me les avaient amenées mais mon papa qui m’avait acheté la poupée au marché de Castelnaudary et qui m’avait fabriqué l’armoire !)
Mon dernier souvenir de Noël est toujours bien ancré dans ma mémoire : un petit bureau avec sa chaise, seulement mes parents estimaient que je n’avais plus l’âge de croire au Père Noël et moi j’ai piqué une colère mémorable car je ne voulais pas croire que c’étaient mes parents qui me l’avait acheté mais bien le Père Noël qui me l’avait apporté ! J’ai conservé ce bureau jusqu’en 2006, mes enfants y ont fait leurs devoirs dessus.
Des jeux, des rires et des douceurs
Les veillées en ce temps là étaient fréquentes, le soir de Noël des voisins venaient, des cousins aussi qui restaient quelques jours. Jeu de cartes, vin blanc, café et pâtisseries préparées par mes sœurs qui fréquentaient l’école ménagère de Villefranche.
Nous sommes d’origine Italienne, le jour de Noël on avait le « Baccala » morue très très séchée, que ma maman préparait dans une marmite au coin du feu, il avait mijoté la veille toute la journée, auparavant mon papa l’avait tapé au marteau pendant plusieurs heures car ce poisson était devenu, par l’effet du salage et du séchage, aussi dur que du bois. Le jour de Noël il était servi avec sa sauce à la tomate et le fameux millas tourné pendant des heures dans la cheminée, dans un chaudron de cuivre et étalé sur un drap sur une table puis découpé en morceaux. Un régal ! Maman préparait les spaghettis à la tomate avec des sardines salées que l’on vendait alors dans des tonneaux à l’air libre, également les fameuses oreillettes dont plus jamais je n’ai pu retrouver le goût merveilleux ! Des pâtisseries faites par mes sœurs.
Vous voyez on mangeait plus qu’à notre faim avec les produits que l’on avait de la ferme. Pour si peu que quelques jours avant on ait tué les canards on avait du foie gras poêlé.
Pas de sapin mais une petite crèche avec des petits personnages et animaux que j’ai encore et chaque année je refais cette petite crèche !
Souvenirs de Noël heureux, pas si différents des autres jours, mais festifs quand même."
Joyeux Noël à tous les lecteurs des Carnets d'Emile !
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A la métairie, Noël était un jour particulier. S'il n'était pas fêté de la même manière qu'il peut l'être aujourd'hui, cette fête constituait tout de même un moment particulier dans les familles. Durant quelques heures, le temps se suspendait un peu...
Je vous propose aujourd'hui de retrouver les souvenirs d'Aimé Boyer datant des années 30 à 40 qui avaient été publiés l'année dernière, demain ce sera au tour de Berthe de nous raconter ses Noël des années 50.
Qu'ils soient ici chaleureusement remerciés pour leurs éclairages précieux sur cette vie d'antan dans les métairies lauragaises.
"Quelques jours avant Noël, il était de tradition de se préparer. Les hommes de la maisonnée procédaient au ramonage de la cheminée. La veille de l’évènement, un soin particulier était apporté à la propreté de l’écurie, on rajoutait un peu de paille à la litière et une petite fourchée de plus de foin dans le râtelier. A cette occasion, on aimait bien bien carder les animaux, leur friser la queue. Cela consistait à la laver avec de l’eau savonneuse et avant qu’elle ne sèche, on séparait les crins un à un. Une fois secs, cela leur donnait un air pompeux et apprêté.
Rejoindre la messe de minuit avec la lampe tempête
Dans mon enfance, pour se rendre à la messe de minuit, on se retrouvait sur la route avec les voisins, équipés de lampes tempête ou à carbure. Il y avait beaucoup de ferveur. Après la messe et tout le cérémonial qui l’accompagnait, on repartait ensemble avant de se quitter en se souhaitant une bonne nuit et une bonne santé.
En arrivant à l’ostal, il y avait un petit gâteau à grignoter, quelques fois était-il accompagné de vin chaud. A cette époque, dans les campagnes, il n’y avait pas de réveillon.
On laissait ensuite s’éteindre le feu. Cette nuit-là, on ne posait pas les verrous, aux portes de l’écurie.
Au matin il y avait quelques joujoux pour les enfants : un petit Jésus en sucre dans un sabot en chocolat, un tambour ou une panoplie de couturière ou bien encore une petite trompette en tôle. On était heureux avec très peu. Après avoir retiré les modestes cadeaux, le feu était rallumé.
Une longue bûche d'ormeau
On installait alors une immense bûche, bien noueuse choisie dans de l’ormeau. Mon arrière-grand-mère la bénissait avec l’eau de Pâques après avoir dit des paroles et des prières en patois.
Cette bûche devait alors brûler jusqu'au premier janvier en prenant bien soin de ne pas la laisser s’éteindre. On en conservait un petit tison que l’on gardait dans une caisse de bois rangée sous l’évier.
On rallumait ce tison à chaque naissance tout au long de l’année qu’elle soit dans la famille ou parmi les animaux de la ferme.
Bien-sûr au cours de cette journée, on allait à la grand-messe de la Nativité appelée aussi Noël avec des chants de joie adaptés à l’événement.
Une salade d'oranges au vin blanc
En ce jour particulier, nous préparions un dîner (repas de midi en Occitanie) amélioré. Etaient servies poule au pot et sa suite et pour le dessert, une salade d’oranges au vin blanc. Délicieux et rare.
Noël tel qu’on le connaît aujourd’hui, le sapin, les cadeaux, le réveillon ne se sont invités à la ferme que quelques années plus tard lors de la modernisation agricole. Une autre époque."
Retrouvez demain les Noël lauragais de Berthe dans les années 50.
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Une métairie lauragaise sous la neige (photo famille Nardèze)
C'est l'hiver et voici aussi que Noël approche.
Ils sont comme des virgules dans une conversation lauragaise : ces proverbes occitans reviennent encore parfois pour qualifier la saison hivernale.
Ils sont basés les croyances ou la superstition mais surtout sur le bon sens et l'observation. Il y est question de cette neige de février qui fond rapidement sur les coteaux du Lauragais, du froid qui mord et parfois surprend. Après avoir traité de ceux concernant l'omniprésent vent d'autan (ici), voici ceux que l'hiver nous apporte dans son traîneau...
Quand Nadal se solelha, Pascas crama la lenha
Quand Noël est ensoleillé, Pâques brûle le bois
Per Nadal, les jorns creissan d'un pas de gal
Pour Noël, les jours s'allongent d'un pas de coq
Plèja per Nadal, solelh pels Rampalms
Pluie à Noël, soleil aux Rameaux
Per Nadal, cajun dins son ostal
Pour Noël, chacun dans sa maison (dans sa famille)
L’ivèrn es pas bastard s'arriba pas d'ora arriba tard.
L'hiver n’est pas bâtard, s'il n'arrive pas de bonne heure, il arrive tard.
Quand les corbasses son a l'ensús, l'ivèrn nos tomba dessus ; quand les corbasses son a l'enbàs, l'ivèrn es passat
Quand les corbeaux volent haut, l'hiver nous tombent dessus, quand les corbeaux volent bas, l'hiver est fini
A la sant Marti, la lèbre es pel cami, a Nadal la lèbre es al pè de l'ostal.
A la Saint Martin, le lièvre est dans le chemin, à Noël il est au pied de la maison.
Se trona al mes de janvièr, i aura de blat a plens sestièrs
S'il tonne au mois de janvier, il y aura du blé à pleins setiers.
Nèu de febrièr es coma d'aiga dins un panièr, se s'ajoca coa coma una cloca
La neige de février est comme de l'eau dans un panier, si elle s'installe elle couve comme une glousse.
Al mes de febrièr, la nèu cocha pas sul fumièr.
La neige de février ne passe pas la nuit sur le tas de fumier.
Merci à Huguette, Aimé, Hélène, Pierre pour leurs contributions. Merci à la famille Nardèze pour la si belle photo de la ferme sous la neige.
Si vous connaissez d'autres dictons ou proverbes sur Noël, l'hiver, le froid qui étaient usités en Lauragais, n'hésitez pas à me les adresser. Nous complèterons ce post ensemble au fur et à mesure. Vous pouvez m'écrire à lauragais@lescarnetsdemile.fr
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Depuis plus de quatre ans, vous suivez les Carnets d’Emile en Lauragais. C'est la vie d’un métayer en Lauragais et de sa famille dans les années 50 qui vous est ainsi donnée à lire grâce aux écrits quotidiens laissés par mon grand-père.
Lors des nombreuses causeries que j’ai données à travers le Lauragais et auxquelles vous m’avez fait l’honneur de participer les uns et les autres, j’ai pu recueillir de nombreux témoignages sur cette vie paysanne.
Le temps qui passe semblait peut-être l'avoir effacée de nos mémoires. Bien au contraire, vous avez su me raconter, à votre tour, vos souvenirs de ce temps jadis. Depuis août 2019, ce blog est devenu participatif grâce à la page Lauragais d'Autrefois : grâce aux photos, témoignages et rencontres, ce sont près d'une centaine de posts qui témoignent de ce Lauragais rural d'antan.
Alors, continuons ensemble.
Racontez moi votre Lauragais agricole d’autrefois fait de vos souvenirs et de ceux des membres de votre famille, de votre entourage amical aussi.
La période qui nous intéresse est celle du XXe siècle d'avant les année 70.
Anecdotes, méthode de travail, météo, mécanisation, élevage, vendanges, vie quotidienne et familiale, religion, mode de vie, moulins, difficultés dans les travaux, acceptation des changements liés à l’arrivée des progrès techniques, fêtes, veillées, traditions, entraide, recettes traditionnelles parfois oubliées, proverbes en français ou occitan, photos d’époque ou photos d’objets et d’outils d’époque sont autant de sujets (et d’autres encore !) qui nous intéressent ici. Vous pouvez aussi vous laisser inspirer par les sujets abordés par Emile au quotidien.
Vous pouvez prendre contact avec moi ou m’envoyer ces éléments à l’adresse mail suivante: lauragais@lescarnetsdemile.fr
Je publierai ces éléments sur la page dédiée que vous connaissez bien pour compléter le portrait de ce Lauragais d’antan que nous avons plaisir à évoquer ensemble. Comme pour les pages d’Emile, je garderai l’anonymat des noms de famille si vous le souhaitez.
Louis Bruno était agriculteur en Lauragais, fermier plus exactement. Retraité, il a consigné ses souvenirs dans des cahiers que sa famille partage avec nous aujourd'hui. Dans de précédents posts, il racontait les moissons (voir ici), et les battages (voir là). Dans l'extrait d'aujourd'hui, il présente les autres activités du mois d'août à la métairie.
"Parallèlement à ce travail capital qu'était le battage que faisait-on à la borde en ce mois d'août ?
Eh bien par exemple on avait arraché les haricots secs très consommés à ce moment-là. On les battait au sol puis on les nettoyait au tarare suivant le même procédé que les fèves. On déchaumait quelque peu avec la petite charrue.
On repassait aussi quelques jachères destinées au prochain semis de blé. On écimait le maïs après que les pollens de la crête eussent fécondé l'épi. Cette opération activait la maturité quelque peu au détriment du rendement en grain mais la masse végétale qu'elle procurait était très précieuse pour la consommation des bovins surtout au cours des années de sécheresse estivale.
Les pâturages étaient réduits en paillasson et les coupes de de regain réduites à peu ou rien du tout, ce qui créait d'énormes difficultés pour assurer la nourriture des bêtes d'étable et d'écurie. S'ajoutait à cela une baisse considérable des rendements et des difficultés d'approvisionnement en eau.
De ces années là, il y en eut une très longue série entre 1940 et 1950, période où il convient de citer la triste et mémorable traversée de la guerre, cortège de peine et de malheurs, départ des hommes valides, occupation, captivité, déportation... sans commentaire. "
La suite des écrits de Louis Bruno, prochainement, avec notamment un post sur les marchés hebdomadaires.
Vous pouvez aussi retrouver les témoignages d'Aimé Boyer sur l'entretien du maïs (cliquez ici) et sur les fèves (voir là).
Un immense merci à Daniel Bruno - ainsi qu'à Christiane et Jean-François Bruno - pour avoir partagé les écrits passionnants de Louis.
Pour retrouver facilement ces posts et les voir dans leur ensemble vous pourrez cliquer sur la nouvelle catégorie du blog :Lauragais agricole d'autrefoisou sur l'onglet en haut de page.Ils seront également écrits en bleu pour les distinguer des posts du quotidien de la vie d'Emile.
Coopérative Agricole de Baziège Photo confiée par Serge Arnaud
Louis Bruno était agriculteur en Lauragais, fermier plus exactement. Retraité, il a consigné ses souvenirs dans des cahiers que sa famille partage avec nous aujourd'hui. Dans de précédents posts (ici etlà), nous avions découvert sa description des travaux de printemps puis les activités de début d'été (là). La semaine dernière, il racontait les moissons (voir ici), voici ses écrits concernant les battages.
"Le battage était assuré par des entrepreneurs possédant un ou plusieurs matériels lesquels comprenaient un tracteur pour le déplacement et l'entraînement de l'ensemble, une batteuse et une presse à lier la paille en balles.
Chaque entrepreneur possédait sa clientèle et se déplaçait à tour de rôle de borde en borde fournissant les machines précitées, 4 hommes dont un responsable qui conduisait et 3 empailleurs, le reste du personnel nécessaire soit 15 personnes minimum émanait d'un groupe de voisins travaillant en entraide mutuelle. C'était un travail pénible et éprouvant sous les chaleur torride et dans la poussière de l'aube au crépuscule mais auquel on participait volontiers étant donné l'ambiance conviviale et gaie qui régnait entre amis, jeunes et vieux, copains et copines.
Ce travail durait de 40 jours à 2 mois suivant les années et le volume des récoltes, les rendements ne dépassaient guère les 15 à 20 hectolitres l'arpent malgré les progrès de la recherche génétique sur les variétés déjà amorcés. Une partie de la récolte était stockée au grenier, futures semences, besoin domestique, échange blé plain avec le boulanger ou règlement en nature des services du forgeron (affutages divers).
Le restant était vendu aux négociants ou livré aux coopératives qui déjà se créaient petit à petit par exemple succursales de la CPB Rue Ozenne Toulouse CAB Baziège CAL Castelnaudary laquelle lançait également avec le syndicat Agricole Audois les premières entreprises de gros labour, chenillard Caterpillar traînant les charrues balance trisocs Carrière-Guyot.
Parallèlement à ce travail capital qu'était le battage que faisait-on à la borde en ce mois d'août ?"
Nous le découvrirons dans quelques temps lors d'un prochain post consacré aux écrits de Louis Bruno.
Sur le même sujet retrouvez les battages vus par Aimé Boyer , Berthe Tissinier ou encore Paulette Durand. Je les remercie encore pour ces contributions précédemment publiées. (Cliquez sur leurs noms pour retrouver chaque post)
Un immense merci à Daniel Bruno - ainsi qu'à Christiane et Jean-François Bruno - pour avoir partagé les écrits passionnants de Louis.
Pour retrouver facilement ces posts et les voir dans leur ensemble vous pourrez cliquer sur la nouvelle catégorie du blog :Lauragais agricole d'autrefoisou sur l'onglet en haut de page.Ils seront également écrits en bleu pour les distinguer des posts du quotidien de la vie d'Emile.
Novembre 1951. Les Bourrel arrivent enfin à destination. La nouvelle métairie au drôle de nom si inquiétant est à découvrir et à aménager. Il faut vite s'installer et s'occuper des animaux...
Traditions, méthodes de travail, mode de vie dans le Lauragais d'antan colorent ce récit.
Pour suivre les péripéties, de cette famille de métayers à la recherche de la quiétude et d'une vie moins contrainte, rendez-vous sur http://www.bordeperdue.fr
La sécheresse estivale actuelle si elle n'est pas rare n'en fait espérer que plus fort la pluie. L'occasion sur une nouvelle page de nos Carnets de recenser quelques dictions occitans de circonstance.
Parfois dès l'aube l'espoir naît
Alba roja vent o ploja
Aube rouge, vent ou pluie
Mais souvent dans le Lauragais, c'est le vent d'autan qui l'emporte.
Lorsque la sécheresse dure, on s'accroche aux espoirs des lendemains :
Longa secada, longa pluejada
Longue sécheresse, longue période de pluie
Mais quand la pluie vient...
Corta pluèja, grand fangas
Courte pluie, grande boue
Qui peur s'appliquer à un certain nombre de situations de la vie courante...
Puèja menuda, cap de gota perduda
Pluie fine, aucune goutte perdue
L'orage s'invite parfois même dans les situations de la vie courante.
Plou pas cada cop que trona
Il ne pleut pas chaque fois qu'il tonne
Les plus observateurs, à la campagne, savent que le nid des pies est un signe :
Quand l'agaça fa bas son nis trona sovent l'estiu
Quand la pie fait son nid bas, il tonne souvent durant l'été
Pour les plus résignés :
Totjorn plou sus banhats
Il pleut toujours sur les mouillés
C'est aussi le titre du 1er chapitre du web roman feuilleton lauragais lancé cette semaine et que je vous invite à suivre sur :https://www.bordeperdue.fr
Si vous connaissez d'autres dictons, expressions ou proverbes sur l'eau, la pluie, l'orage, la sécheresse, le tonnerre, n'hésitez pas à me les adresser. Nous complèterons la petite collection de ce post ensemble au fur et à mesure. Vous pouvez m'écrire àlauragais@lescarnetsdemile.fr
Pour retrouver facilement ces posts et les voir dans leur ensemble vous pourrez cliquer sur la nouvelle catégorie du blog :Lauragais agricole d'autrefoisou sur l'onglet en haut de page.Ils seront également écrits en bleu pour les distinguer des posts du quotidien de la vie d'Emile
Le prologue et le 1er chapitre de "Ceux de la Borde Perdue" sont désormais en ligne sur le nouveau site Borde Perdue
Il s'agit un travail de fiction inspiré de la vie des métayers des années 50 que nous explorons ici depuis plus de 4 ans maintenant.
C'est le destin de Louise, jeune femme d'une trentaine d'années, que vous y découvrirez. Elle vit chez les Bourrel, famille de métayers qui n'a pas été épargnée par le destin à tel point qu'au village, en chuchotant, on les appelle les "maffrés". Ils s'installent en novembre 51 à la Borde Perdue, sur la commune de Florac-Lauragais. Pourquoi ont-ils changé de bail aussi brutalement, à la surprise générale, alors qu'ils travaillaient la métairie d'En Peyre depuis les années 20 ? Louise, accaparée par le quotidien de la métairie, trouvera-t-elle encore sa place au sein de cette singulière famille ?
Bonne lecture. N'hésitez pas, si cela vous plaît, à le partager et faire connaître.
Dans les baux de métayage, une partie était consacrée au bois des exploitations dont les métayers ne pouvait jouir à leur guise. Il était important que la propriété soit entretenue que les arbres ne soit ni dangereux, ni un obstacle aux culture.
Voici l'exemple d'un article issu d'un bail :
Peupliers, chênes, sapins étaient utilisés comme bois de charpentes des maisons.
"On disait souvent « Casse dreit pibol cochat » (Chêne debout Peuplier couché) règle incontournable, pratiquée par les charpentiers.
Le bois était très utilisé et travaillé dans les fermes pour équiper les étables : les bat-flancs, les mangeoires en chêne ou construire des cabanes pour loger la basse-cour. L’hiver on fabriquait des outils agraires : des rouleaux, des herses, etc.. Les masses, les mals pour fendre le bois
On creusait des mangeoires dans des troncs d’arbres. J’ai vu mon grand-père avec le vilebrequin, la gouge, la masse en bois et la hachette. On fabriquait aussi des passerelles pour traverser les ruisseaux et bien-sûr, des échelles de toutes longueurs. J’en oublie sûrement…"précise Aimé Boyer
Le bois de chauffage
C'était l'unique moyen de chauffage grâce aux cheminées qui trônaient dans la pièce principale des métairies. Selon les contrats, le propriétaire avait l’exclusivité de la parcelle de bois, le métayer avait les baliveaux, les buissons utilisés pour construire les clapiers et la moitié des branches quand le propriétaire vendait la coupe et qu’il fallait après cela nettoyer la parcelle.
"Tous les arbres des limites des champs étaient tolérés pour le métayer. Tout au long de l'année, on veillait en effet à ce que ces arbres n'aient pas de branches basses sur leurs troncs afin d'aérer les cultures et aussi laisser grossir le bois de tête qu'il fallait élaguer, émonder dans un système de rotation annuel que dictait le bon sens." On avait aussi la possibilité de prendre à couper à mi-fruit une parcelle de bois d'un propriétaire voisin", ajoute encore Aimé.
L'élagage
Il poursuit : "Avec une échelle de bois et la hachette, il m’est difficile de décrire la méthode de taille, ni même je ne pourrais pas vous le montrer. Vous dire qu’une fois finie, l’entaille faite avec la hachette était lisse et permettait une cicatrisation rapide de la taille (Contrairement à la scie, ou la tronçonneuse)
Il fallait faire attention de ne pas laisser des crochets, des bouts qui dépassaient sinon les voisins ne manquaient pas de nous demander en riant si c’était pour pendre les jambons"
Anecdote
" A mon retour du régiment, après avoir salué ma mère avec des pleurs de joie. Je suis allé rejoindre mon père qui élaguait des trembles au fond du pré. Après la joie des retrouvailles, en remontant a la maison, je lui ai dit que l'après-midi, je viendrais l’aider. Il a souri.
Et après une petite sieste, j’ai pris mon échelle, ma hachette.Tape- ci, tape-là, mes bras se sont rapidement ankylosés.J’ai compris, pourquoi mon père avait souri : j'avais perdu l'endurance et la force nécessaires."
Nous reviendrons prochainement sur le bois pour évoquer les meubles et certains essences.
Merci à Aimé Boyer pour son témoignage précieux.
Si vous avez vous-aussi des souvenirs liés à ces travaux du bois, n'hésitez pas à me les adresser. Nous les publierons ici. Vous pouvez m'écrire à lauragais@lescarnetsdemile.fr
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Suite à la publication concernant les premières moissonneuses-batteuses (ici), Aimé Boyer m'a adressé ses souvenirs. Ils constituent un témoignage très éclairant quant à cette transition.
" Oui l'arrivé de la moissonneuses-batteuses a ouvert un changement radical des comportements des agriculteurs. La pompe à graisse, tous les matins, le filtre à air et la vérification de la tension des courroies et chaînes ont fait de l'agriculteur un mécanicien à part entière. Se sont multipliés les trousseaux de clés : plate, à pipe, cliquets, les crics, les palans. Quant aux marteaux, ils étaient déjà la! Bref, la modernisation agricole... Finies les colles de battage sur le sol que nous avons déjà évoquées et qui apportaient, malgré le travail, du lien social. La modernisation était un mal nécessaire. L'agriculteur devenait un entrepreneur.
J'ai conduit une Massey- Haris dans les années 52/53 avant de partir au régiment. Les premières moissonneuses, on faisait les sacs sur la machine ! Une fois pleins, on les posait sur une glissière que l'on déclenchait tout les trois sacs pour les déposer au sol. Ces sacs étaient mal attachés et pesaient presque tous 100 kilos. On était balloté en tous sens, choqué au rembarres, se cognant la tête à la trémie, en équilibre sur une jambe en montant et sur l'autre en descendant. Le Lauragais n'est pas renommé pour être plat...
A la tombée de la nuit il fallait ramasser les sacs, pour les mettre à l’abri : c’était un travail très pénible. Heureusement plus tard sont venues les trémies pour faire en vrac. Et tout le travail à deux ou trois hommes, consistait à ramasser la paille, la charger à la fourche, c'était très lourd, la mettre à l'abri ou faire un pailler. Pour faire ce travail on formait des petites colles avec deux ou trois voisins.
C'est à peu près à la même période, il me semble, que sont arrivées les ramasseuses à maïs tractées et aussi faire les sacs sur la machine un rang."
Merci à Aimé Boyer pour son témoignage et à Jean-Claude Rouzaud pour la photo transmise. Il s'agissait de la 1ère moissonneuse-batteuse menée par le fermier du château de Montmaur probablement dans les années 50.
Si vous avez vous-aussi des souvenirs des moissons d'antan, des premières moissonneuses-batteuses ou des anecdotes liées à ces travaux, n'hésitez pas à me les adresser. Nous les publierons ici. Vous pouvez m'écrire à lauragais@lescarnetsdemile.fr
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Nous avons souvent décrit ici les moissons dans les années 40 et 50 avec le passage de la faucheuse, les gerbes, les tabels... Ce long travail estival s'est trouvé fortement réduit à l'arrivée de la moissonneuse-batteuse non seulement dans sa durée mais aussi dans la peine physique du travailleur. Pour autant subsistaient la poussière, la chaleur écrasante des débuts d'été et arrivaient aussi les ennuis mécaniques encore plus redoutés lorsque le temps devenait menaçant...
Merci à Jean-Claude Rouzaud pour la photo transmise. Il s'agissait de la 1ère moissonneuse-batteuse menée par le fermier du château de Montmaur probablement dans les années 50.
Si vous avez des souvenirs des moissons d'antan, des premières moissonneuses-batteuses ou des anecdotes liées à ces travaux, n'hésitez pas à me les adresser. Nous les publierons ici. Vous pouvez m'écrire àlauragais@lescarnetsdemile.fr
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Petit focus sur les floraisons de saison comme nous l'avions fait il y a quelques semaines grâce à Marilys Benoît que je remercie.
En ce tout début d'été, nous allons évoquer les floraisons de la deuxième moitié du printemps en lauragais.
« Au mes de mai, cada casse met sans huèlhas ». Au mois de mai, chaque chêne met ses feuilles. Le chêne pubescent (cassou), aux feuilles velues sur leur face inférieure, est fréquent. Ses feuilles sont marcescentes, c'est à dire qu'elles restent sur l'arbre tout l'hiver, desséchées, et tombent lors de la pousse des jeunes feuilles.
Dans les pelouses ou les bords de routes, de nombreuses espèces fleurissent en mai-juin.
Le coquelicot s'annonce début mai, notamment dans les champs et dans les lieux en friche, et le dicton dit : « Quand la cap-roseta es florida, l'oèlha es gandida ». Quand le coquelicot est fleuri, la brebis est à l'abri de l'hiver. Les pétales, en infusion, aident à l'endormissement. La floraison s'étale jusque fin juin.
Sur les pelouses ensoleillées, l'urosperme ou lampistrelle commune, étale ses capitules jaune vifs, souvent lavés de rouge à l'extérieur.
Les marguerites sont présentes mêlées au lotier corniculé (boulumague, cap-arrous, lotgèr, pinausel)
Il n'est pas rare de profiter du glaïeul des moissons et de ses fleurs rose fuschia.
Les dernières orchidées sont en fleur en mai, telle la surprenante serapia lingua , la loroglosse à odeur de bouc, bien nommée et l'anacamptis pyramidale
Mai a vu la floraison d'arbustes dans les haies et bords de bois, comme le cornouiller sanguin (esclamè y sanguî). Ses rameaux, cueillis en hiver, étaient utilisés pour la confection d'objet de vannerie. Le troène des bois (ligoustrè, bretoina,berdét, trogue) est aussi de la partie , ainsi que l'églantine (galabardo, salabarda, arrouméc, gabardé, arrosèr sauvatge), dont les fleurs sont prisées par le cétoine doré.
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Aimé Boyer se souvient aujourd'hui des traditions autour du feu de la Saint-Jean qui était allumé dans chaque ferme à la tombée de la nuit.
"Pour célébrer l'arrivée de l'été, la tradition était d'allumer un grand feu. Seules les familles endeuillées dans l'année s'abstenaient. Quelques jours avant le 24 juin, nous disposions des fagots en forme de pyramide à un endroit qui puisse être vu par le plus grand nombre de voisins.
A la tombée de la nuit, à la veille de la Saint-Jean, chacun allumait alors son feu et nous comptions aussi ceux allumés par les voisins.
Protéger les récoltes et la famille
Le feu était béni et nous disions des prières dont certaines en patois. Pour protéger les récoltes, nous passions des plants 7 fois au dessus du feu ainsi qu'une ou deux bouteilles de vin que nous mettions de côté et qui étaient réservées pour soigner les maux de ventre (humains ou animaux).
Sauter 7 fois
Tout le monde avait ensuite sauter 7 fois par dessus le feu. 7 fois mais pas plus ! Sinon nous considérions que cela pouvait porter malheur.
Pour ceux qui ne pouvaient pas sauter, on passait leurs sabots tenus au bout d'une fourche dans le feu en prenant garde de ne pas les y faire tomber. Dans les fermes où il y avait de jeunes mariés, le couple devait sauter en se tenant par la main pour être assuré d'avoir du bonheur toute l'année.
Protéger la maison et l'exploitation
Enfin quand le feu s'éteignait, on prenait un tison encore fumant que l'on lançait sur la toiture de la maison pour la protéger de la foudre et de l'incendie.
Les cendres étaient ensuite jetées dans les champs pour protéger les récoltes."
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