Les fèves avaient une place de choix dans les exploitations agricoles d'antan pour l’alimentation, qu'elle soit animale ou humaine, et la rotation culturale. On semait quand on le pouvait les graminées sur les légumineuses et vice versa.
Des semis avec le brabant - Semenar las favas
Aimé Boyer se souvient :
"On les semait le plus souvent, sur une milliaire, avec le brabant sans oublier d'incorporer le fumier.
À partir du 11 novembre suite au déménagement - au changement de borde pour les métayers - lorsque c'était le cas et jusqu’en février. On allait au champ avec un sac de fèves posé sur le brabant, sans oublier un petit panier. On faisant un premier sillon en rabattant le labour sur un bord de champ. C'était le labour à plat.
Et, au troisième sillon, le panier posé et bien calé sur le brabant, tout en menant les vaches qui savaient ce qu'elles avaient à faire. on semait en égrenant sans forcément s’appliquer à le faire graine par graine. Puis on posait le panier au sol, avant de tourner le brabant, on faisait trois sillons supplémentaires, et on reprenait le panier qui était resté au bout, Et on répétait cette opération sur un hectare environ."
Un sarclage difficile au début du printemps -sarclar et deserbar
Il poursuit :
« Quant elles était nées, il fallait les sarcler, ce n’était pas une mince affaire ! Elles avaient étés semées l’hiver donc la terre était molle. Cela signifie que le printemps venu, il n’y avait pas de terre meuble. C'était surtout le désherbage manuel qui était l’essentiel de l’action. Et quelques fois il fallait le faire deux fois avant quelles fleurissent."
Vers la table - A taula !
Apres la floraison, dès que le grain était formé, un premier ramassage permettait d'en déguster à croque sel.
En omelette, on faisait revenir les fèves dans la poêle et on vidait dessus les œufs battus. On les cuisinait en sauce, préparées un peu comme la mongetada. On les servait aussi en soupe avec des légumes classiques.
Les petites fèves mélangées avec le pain dans la soupière et consommées aussi avec les légumes après la soupe. La soupe était une recette à base de pain.
La soupe était épaisse tellement que la cuillère tenait debout dans l’assiette. Elles étaient cuites en purée, vidées sur le pain dans la soupière. Quelle joie de déjeuner avec une assiette de soupe refroidie, un carré de lard coupé en dés, sur une tranche de pain tiré de la marque et arrosée du vin de la vigne.
Cela constituait notre régime alimentaire journalier durant un bon mois de l'année."
La récolte des fèves sèches - batre las favas
« Quant elles étaient mûres bien noires, pied compris, on les ramassait le matin avec la rosée, sinon elles s’égrenaient. De petits tas étaient rassemblés toutes les trois ou quatre rangées. Il fallait aussi les charger sur les charrettes disponibles.
Il fallait ensuite se préoccuper de la préparation du terrain pour les battre avec le rouleau en bois à traction animale.
La préparation consistait, sur un sol plat, à couper l’herbe en faisant glisser le dessous du sarcloir sans faire de trou dans la terre.On formait un espace circulaire, pour permettre à l’attelage de tourner sans faire de manœuvre.
Le jour J, les fèves était étalées sur le sol en bonne couche en prenant soin de ne pas en mettre au centre, toujours pour la même raison de manœuvres à réaliser. Le rouleau en bois tiré par nos braves vaches allait tourner en rond toute la journée. Cela s'entrecoupait de longues pauses. Quand on avait fais quelques tours sur les fèves qui craquaient sous le pois du rouleau, on écartait l’attelage hors de l'espace, à l'ombre, et avec la fourche on retournait les pieds. On brassait pour faire tomber les fèves au sol et redonner du volume à la récolte. On reprenait alors nos vaches qui en avaient profité pour ruminer.
On refaisait quelques tours de plus et on allait délier les vaches qui avaient suffisamment tourné en rond.
Puis c'était à notre tour de jouer, équipés de chapeaux, un mouchoir calé dessous comme les légionnaires, on tournait en donnant du volume on faisait tomber les dernières fèves rebelles accrochées aux fanes. On faisait plusieurs tas de toutes ces tiges et feuilles qui n’étaient pas tombées car elles allaient être rentrées à l’abri pour être consommées plus tard en récompenses à nos bonnes vaches.
Avec le revers du râteau à foin, on poussait pour faire plusieurs tas de graines mais aussi de résidus divers : feuilles, tiges cassées, fanes écrasées sans oublier de la terre portée du champ avec les racines et du sol de battage.
On installait ensuite au pied d’un tas, une ou deux couvertures ou draps. Et on posait dessus le moulin, à ventiler à traction manuelle. Toute la famille participait, chacun avait son poste, avec pour mission de remplacer de temps en temps le chauffeur.
Avec une pelle ou un seau ont alimentait la trémie, quelqu’un tournait le ventilateur qui activait aussi plusieurs grilles de différentes dimensions superposées en étages et animées en va-et-vient. Elles étaient suffisamment inclinées pour que les fèves descendent sur une dernière grille de dimension adaptée afin d'éliminer les derniers rejets trop lourds pour le ventilateur comme la terre par exemple.
Une personne était chargée de récupérer les graines et de remplir des saches pas trop abondamment : il allait falloir les monter au grenier.
Pour les derniers débris laissés sur place, la basse-cour, les pigeons, pies et corbeaux allaient s’occuper du nettoyage sans oublier les tourterelles et oiseaux nombreux.
Toutes ces graines, une fois la semence réservée de côté, étaient consommées de différentes façons selon les animaux. »
Merci à Aimé Boyer pour son témoignage ainsi qu'à Jean-Claude Rouzaud pour le partage de ses clichés.
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