Les moments de deuil à la ferme, lorsqu’ils survenaient, étaient empreints de rituels précis, de traditions à respecter et une solidarité remarquable était mise en œuvre autour de la famille endeuillée. Grâce aux souvenirs d’Aimé Boyer, nous allons redécouvrir comment étaient vécu ces moments. Première partie aujourd’hui, lorsque le deuil survenait…
Lorsque la mort frappait une famille paysanne, le premier geste était celui d’arrêter les pendules de la maison comme pour suspendre le temps. Seule la montre dans la poche du gilet continuait à marquer le temps.
Prévenir l’entourage, s’organiser
Immédiatement, un membre de la famille s’en allait prévenir les voisins, amis. Ils étaient chargés d’aller chercher les autres voisins au nombre de quatre ou cinq. On prévenait également le médecin pour certifier le décès et le maire afin de délivrer le permis d’inhumer.
En même temps, on rencontrait le prêtre de la paroisse rapidement pour les derniers sacrements et fixer l’heure de la cérémonie religieuse.
Le menuisier, lui, était chargé de fabriquer le cercueil dans la journée.
S’occuper du disparu
Sans perdre de temps, on procédait à la toilette et l’habillage du défunt qu’on installait ensuite sur le lit. On aménageait la chambre, poser quelques chaises La table de nuit, comme un reposoir, était recouverte d’un linge blanc où l’on posait un crucifix, une chandelle, récupérée à la chandeleur, une assiette avec de l’eau bénite de Pâques, une branche de laurier bénie le jour des rameaux et réservée pour ces évènements.
Prévenir alentours : le glas
Il fallait ensuite prévenir le carillonneur. Celui-ci se rendait de suite à l’église et sonnait avec la grosse cloche trois coups pour un homme, deux coups pour une femme. S’ensuivait une mélodie avec toutes les cloches, de frappes lentes qui donnaient un air lugubre. Il en était ainsi qu’à chaque angélus, à l’arrivé du cercueil devant l’église , à l’élévation, à la sortie de la messe en cortège vers le cimetière. La préposée à l’entretien de l’église l’ornait avec des parements violets, couleur de deuil.
Le menuisier était averti pour le cercueil qu’il fabriquait dans la journée. Soit il le portait ou bien on allait le chercher.
Une solidarité remarquable envers la famille endeuillée
Dès lors, la famille ne touchait plus à l’exploitation hormis pour quelques conseils discrets.
On organisait l’emploi du temps de chacun. Le voisin immédiat ou un ami proche prenait en charge l’étable et formait les équipes pour aller mander (Mandadors / mandaires = messagers) les parents et amis de la famille. Lorsqu’ils étaient trop loin, on envoyait un télégramme.
Les femmes participaient à la toilette et à l’habillage du défunt.
Plus tard, elles prenaient en charge la basse cour, la cuisine car on allait nourrir les mandataires trois jours aux moins ainsi que les proches, invités aux obsèques le jour de la cérémonie. Cela nécessitait d’aller faire les courses chez le boulanger, l’épicier du village. Dans les petits villages où il n’y avait pas de fossoyeur, les proches de la famille se chargeaient même de creuser la tombe. D’autres prévenaient les parents les plus éloignés géographiquement qui venaient parfois dormir la veille de l’enterrement à vélo ou à pied.
Très souvent les tables pour nourrir tout ce monde étaient installées dans l’étable. On y servait œufs durs, sardines à l’huile, haricots sans viande cuits à la graisse de cochon, du fromage, du vin mais pas de café, deuil oblige.
à suivre...
Un immense merci à Aimé Boyer pour le partage de ses souvenirs si riches et précis.
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