Les carnets d'Emile sont les souvenirs de mes aïeux, métayers dans le Lauragais, qui consignaient chaque jour le labeur familial sur un journal de bord. Nous sommes en 1951 au coeur de l'Occitanie.
Je recueille aussi la mémoire des traditions, des méthodes de travail, du quotidien au fil des saisons grâce à des documents authentiques (blog participatif)
contact : lauragais@lescarnetsdemile.fr
La période hivernale jusqu'au milieu du XXe dans les fermes lauragaises est celle des prestations. Dans les carnets d'Emile, au mois de janvier, on trouve les mentions "nous sommes allés aux prestations", elles reviennent ainsi trois ou quatre fois dans la saison.
Il s'agit de services qui sont dus à la commune par tout propriétaire pour l’entretien des routes et chemins communaux. C’est la déclinaison en nature de la taxe vicinale établie par la loi du 30 mars 1903, elle peut être également acquittée sous forme financière. Dans certains cas, ce peut également être un cumul des deux.
Le plus souvent, les métayers sont donc mobilisés pour réaliser les journées dues par les propriétaires fonciers qui préfèrent souvent cette formule.
Tous les hommes sont réunis pour travailler pour la commune. Le nombre de jours dus était proportionnel à la surface agricole travaillée sur la commune.
Grâce aux photos de la famille Nardèse, des photos illustrant ces travaux collectifs qui donnent une idée précise de la façon dont cela se déroulait : curage de fossé, entretien des chemins communaux, débroussaillage, désherbage, élagage, taille des haies... Les hommes réunis au cours de l'hiver travaillent ensemble un nombre de jours donné proportionnellement à la surface de leur exploitation agricole. Par exemple, pour une surface de 38 hectares, chez Emile, les deux hommes consacrent 3 ou 4 jours chacun aux prestations.
Au début des années 60, cette taxe a disparu pour être incluse dans le montant de l'impôt foncier.
Merci à la famille Nardèse pour les formidables photos.
Pour retrouver facilement ces posts et les voir dans leur ensemble vous pourrez cliquer sur la nouvelle catégorie du blog : Lauragais agricole d'autrefois ou sur l'onglet en haut de page. Ils seront également écrits en bleu pour les distinguer des posts du quotidien de la vie d'Emile.
L'hiver rendait la vie à Florac encore plus monotone et paisible qu'à l'ordinaire. Alors, depuis le café, on scrute, on discute de la vie des autres...
Hélène, elle, apprend tous les secrets de Baptistine la rebouteuse...
L'hiver rendait la vie à Florac encore plus monotone et paisible qu'à l'ordinaire. Même Yvon Auriol, le maire se trouvait presque désoeuvré et ne trouvait plus aucun sujet pour se mettre en co...
Avons continué à emballer du fourrage 50 balles. Suis allé à Villefranche faire souder des boîtes de pâté. Clément Dubois est venu chercher ma belle-mère et a pris 120 litres de vin pour la Chartreuse. Jules Pech est venu chercher 20 balles.
L'hiver saison morte pour le paysan ? Que nenni ! On s'active, on s'occupe, on s'organise, on anticipe les saisons à venir. "Evidemment, c'était moins stressant qu'un champ de fourrage à ramasser avant que l'orage n'arrive mais tout de même..." se souvient Aimé Boyer.
L'hiver est la période où l'on fait du bois. Rappelons que la borde est construite sur le modèle le plus classique du Lauragais et possède une pièce à vivre avec une cheminée immense, la seule pièce de la maison à être chauffée.
Souvent dans le contrat de métayage, figure cet entretien nécessaire des parties boisées de l’exploitation et la proportion du bois coupée qui revient au propriétaire. Les contrats varient en la matière en fonction des négociations menées mais le plus souvent il s'agit d'un partage à moitié, là encore.
Aimé précise : " On coupait les arbres, on montait des stères. Le petit bois, lui, était mis en fagots avec du fil de fer de récupération, de l’osier. Coincés avec le genou ou un instrument à serrer (las sarras), on formait les fagots ! Entassés par dizaines, pour les laisser sécher avant de les rentrer, pour faire des grandes flambées ou allumer le feu."
Le soin apporté aux animaux
Le soin des animaux dans l’écurie va prendre beaucoup de temps. Ne pacageant plus, il faut augmenter la ration de fourrage à distribuer aux bovins. Il faut régulièrement leur apporter un mélange de paille et de luzerne et bien-sûr évacuer les excréments. Pour cela, une brouette est mobilisée deux fois par jour sinon l’ammoniaque investit l’étable, ce qui n'est pas bon pour la santé des animaux. Il faut également nettoyer les mangeoires avec une régularité scrupuleuse.
Avec un grand couteau, on racle les salissures que les vaches accumulent en se couchant sur la bouse. Une fois sec, le pelage est brossé et cardé.
" Deux fois par jour on sortait le troupeau, paire par paire, pour aller boire soit à la mare, soit au puits où il fallait pomper l’eau. C’était un moment de jeu et aussi d’autorité. Dans le troupeaux, il y a des bêtes au caractère fort, un peu rebelles
Lorsque l’eau est arrivée dans les fermes, cette tâche a été considérablement allégée." rajoute Aimé.
Avant Noël, le gavage des canards et autres oies était un moment important.
Chez Emile, ces produits étaient non seulement pour la consommation familiale mais étaient également vendus à des acheteurs qui venaient directement à la métairie ou sur le marché de Castelnaudary que fréquentait la famille. Selon les contrats, le bailleur pouvait prétendre à une partie des bêtes qu'il venait parfois choisir lui-même, une fois abattues.
C'est aussi la période où l'on tue le cochon. Outre celui de la maison, on aide aussi parents et amis qui le tuent à leur tour. Les salaisons sont un aliment important du régime alimentaire d'alors. Il faut pour chaque cochon au moins deux jours : un pour le tuer et le préparer, l'autre pour le débiter et réaliser les diverses préparations : saucisse, boudin, jambon etc... Voisins et amis viennent prêter main forte comme on le fait tout au long de l'hiver à son tour chez eux. Le troisième jour, en cercle restreint, est consacré aux dernières préparations et au rangement
Fabriquer et réparer l'outillage pour la saison suivante
Quant l'étable devient un atelier : Les jours de grand froid étaient occupés à fabriquer des paniers, des balais, des manches d'outils, des outils eux-mêmes (râteau,...). On fabriquait ou réparait les barreaux des râteliers, des échelles. Ces travaux ce déroulaient dans l’étable. "Les voisins venaient faire un tour, et discuter un peu, prendre des nouvelles, échanger des conseils."
On profitait de cette période pour entretenir les bâtiments : réparer ou repeindre les volets, portes...
"On réparait aussi les chaînes avec de faux maillons. On tournait les dents de la canadienne, changeait les plaques d'usure des charrues. Il fallait les démonter et les porter chez le forgeron (le faure en occitan). On rapiéçait les "juilles" pour joindre les vaches au joug (le jo) avec des rivets ou du crin, pour ça il fallait être équipéd'alênes comme le cordonnier."
Entretenir les abords et les prestations
Entretenir les bordures de champs, les tertres, couper les buissons, creuser les fossés, tailler les haies, procéder à l'élagage étaient autant de tâches hivernales.
On y procédait aussi pour les chemins communaux dans le cadre des prestations, ces journées de travail dues à la commune pour son entretien en fonction de la surface travaillée (voir article dédié ici)
Mais l'hiver c'est aussi la période des veillées entre voisins, entre amis ou parents. Nous y reviendrons dans un prochain post.
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Avons continué à faire la saucisse et avons commencé à emballer le fourrage vendu à Pech de Ricaud à 6f les 100 kg. Camille a pressé avec Clauselle Achille d'Airoux 37 balles
Avons tué deux cochons un 190 kg et l'autre 201 kg. Sont venus nous aider Emile et sa grand-mère de la Chartreuse, Henri et sa mère d'Estelle, Elie et Anna Puget de Roou François et Florentine de St Jean
Baptistine et Augustin Cami ne travaillaient plus la terre depuis longtemps. Ils habitaient au lieu-dit Loustau, une petite maison de pierre isolée dans les contreforts de la Montagne Noire. Leur rencontre avec deux jeunes gens va confronter leurs destins....
Baptistine et Augustin Cami ne travaillaient plus la terre depuis longtemps. Ils habitaient au lieu-dit Loustau, une petite maison de pierre isolée dans les contreforts de la Montagne Noire ...
Nous allons évoquer ici les veillées d'hiver qui amenaient les familles à se retrouver entre voisins ou parents pour un moment convivial grâce aux souvenirs d'Aimé Boyer.
"A partir de mi-décembre, quand les emblavures et labours étaient terminés, commençait une tradition incontournable : faire des échanges de veillées.
Après le souper (repas du soir en Occitanie où l'on servait souvent la soupe), nous partions bien couverts, équipés de lampes tempête ou à carbure et bien souvent au clair de lune en suivant les sentiers (carreirons) tracés d’une ferme à l’autre.
Nous étions attendus et bien accueillis. Souvent nous commencions la conversation en prenant des nouvelles des uns et des autres, des nouveaux événements, de l'avancée de certains petits travaux.
Les hommes prenaient ensuite place autour de la table pour jouer le plus souvent à la manille coinchée - si on gagnait la partie, les points était doublés - pendant que les femmes s'installaient autour du feu en tricotant ou reprisant les chaussettes.
Les enfants, eux, allaient jouer dans l’étable (l’estable). Au coin du feu, assis sur la caisse à sel, l'ancien de la maison racontait ses souvenirs d'autrefois : la guerre, les tranchée, les gaz, l'ennemi mais il évoquait aussi parfois les sorciers, les jeteurs de sorts. Apres la première manche, les hommes allaient faire un tour dans l’étable, la conversation portait alors sur les animaux.
Dans notre secteur, les veillées avaient lieu le jeudi, jour de marché ou de foire à Caraman. Étaient relatés alors le prix des veaux, le cours du cochon. On évoquait aussi celui qui ne s’était pas décidé, et qui avait finalement repris le veau malgré le risque de diarrhées, de grippes transmissibles sur le champ de foire au risque même de mettre en danger les autres animaux de la ferme.
Parfois c'était simplement le régisseur qui n’avait pas accepté le prix.
La deuxième manche reprenait ensuite. Bien-sûr on servait un peu de vin pour les hommes, celui que chante Jean Ferrat.Pour les dames une tisane était servie avec l’eau qui avait chauffé sur la tôle en fonte du feu.
La dernière manche terminée, on repartait vers minuit. Avant de se séparer,on se rappelait le programme des veillées suivantes pour éviter les doublons ou les erreurs.
Pendant la guerre, c’était un jeu risqué que de circuler la nuit venue. Et si on était tombé sur une patrouille allemande ?"
Merci à Aimé Boyer pour ses souvenirs ainsi qu'à la famille Nardèze pour ses archives photographiques précieuses.
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Le matin suis allé à Avignonet faire faire un certificat de vie pour la retraite vieillesse. Le soir avons continué le terrassement du chemin du hangar.
"As encara vist Nòstre Sénher pel dosilh !" Janvier 1953 à la métairie, est-ce la neige qui exacerbe quelques tensions ? Hélène et Marcel rentreront-ils enfin ?
La neige sembla enfin marquer le pas. Les dernières averses floconneuses avaient cessé avant minuit. Un redoux poussé par le vent d'autan dès le milieu de la nuit commençait même à faire cha...