Lauragais d'Autrefois (176) : la lessive, de la ruscada à la granda bugada

Publié le 13 Janvier 2024

photo Coll. Nardèze

photo Coll. Nardèze

La ruscada était la lessive du linge du quotidien qu'on faisait environ une fois par semaine. Mais pour les grandes pièces de linge comme les draps, il existait la Granda bugada. Parfois, on trouvait cela dans le bail de métayage : les femmes de la maison se chargerait de cela pour le propriétaire. Voici un témoignage recueilli auprès de Paulette D.

Elle y relate les journées de grande lessive, la granda bugada (la grande buée) et le travail que cela représentait.

"La lessive habituelle que l’on faisait une fois par semaine, le plus souvent le lundi, ne ressemblait pas aux grandes buées que l’on faisait deux ou trois fois par an pour laver les draps.

Une fois par semaine, on triait le linge et grâce à l’eau tirée du puits ou, à la Rigole (nb : le cours d'eau à proximité) lorsque la saison s’y prêtait, on lavait et on battait le linge de toute la famille avant de le mettre à sécher sous un hangar. On utilisait pour la ruscada (lessive en occitan) une lessiveuse, du savon et de l’huile de coude pour frotter vigoureusement

On lavait aussi les draps de toute la maisonnée du propriétaire. On attendait qu’il y en ait suffisamment car c'était un sacré travail. La granda bugada (la grande buée en occitan) avait lieu ainsi trois ou quatre fois par an, en général, au début du printemps et de l’automne.Toutes les femmes des métayers étaient réunies pour cette occasion.

Les draps étaient mis à tremper la veille dans le dorc, c’était un grand cuvier de bois cerclé de fer, muni d’une bonde et d'un tuyau sur le côté permettant l’évacuation de l’eau. (nb : L’appelation dorc désigne communément un pot à graisse en occitan mais dans ce cas, c'est également le cuvier) 

Les draps trempaient une nuit entière avec de la cendre qu'on mettait par dessus, enfermée dans un vieux drap. Le matin, les femmes des métayers se réunissaient et nous mettions l’eau à chauffer dans une lessiveuse ou un grand chaudron. Cette eau était versée petit à petit sur les draps, récupérée par l'évacuation et remise à chauffer. L’opération devait être suffisamment lente pour que l’eau monte lentement en température au fur et à mesure, de la buée se répandant dans tout le local, le plus souvent nous faisions cela sous un vieil hangar. Une eau bouillante déversée directement aurait pu faire s’amalgamer les saletés plutôt que des les dissoudre grâce aux propriétés détergentes de la cendre. 

Le lissieu, l’eau de lessive, faisait ainsi plusieurs cycles au fur et à mesure dans le dorc. Au bout de deux à trois heures, lorsqu’elle bouillait, on évacuait alors toute cette eau sale. Parfois, on n'était pas d'accord, il y avait de petites chamailleries.  Certaines considéraient que l’eau était suffisamment chaude, d’autres préféraient en verser encore davantage. Après utilisation l’eau de lessive était répandue  sur le tas de fumier le plus proche à grands coups de seaux en fer blanc. Les draps encore lourds de l’eau qu’ils contenaient, lorsqu’ils étaient un peu refroidis, étaient entassés dans de grandes panières ou des comportes.

Il fallait alors attendre l’intervention des hommes qui, grâce à des brouettes, ou à la force des bras, les apportaient jusqu’au bord de la Rigole de la plaine.

Il fallait alors entreprendre le rinçage. Selon la saison, le travail était de taille, on pouvait en cumuler jusqu’à cinquante. Les abords de la Rigole n'étaient pas aménagés pour cette opération et elle n’en était rendue que plus délicate. Un drap pouvait nous échapper et être emporté par le courant pour aller s’échouer dans les racines sur les berges. L’eau dévalant du barrage de Saint Ferréol pour aller alimenter le Canal du Midi pouvait être très froide à certains moments de l'année, on ne sentait plus nos mains glacées.

Les draps rincés, il fallait enfin les essorer. On se mettait alors deux par deux pour les tordre et leur faire rendre le plus d’eau possible. Cette tâche pénible n’était pas la dernière, puisqu’il fallait encore les étendre sous un hangar le long de fils prévus pour cela."

Je remercie Paulette D. pour son témoignage et la famille Nardèze qui m'a confié de précieux clichés dont celui de la lessive.

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Rédigé par Emile

Publié dans #Lauragais agricole d'autrefois

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