Lauragais en 39-45 (4) : la radio de la ferme

Publié le 6 Janvier 2024

Lauragais en 39-45 (4) : la radio de la ferme

Je vous propose de redécouvrir ce témoignage publié il y a près de trois ans dans le cadre des témoignages des campagnes lauragaises en 39-45. Aujourd’hui, voici un extrait des souvenirs de Laurence Raymond de Baziège, extrait du livre d’or des Anciens Combattants de la commune. Serge Arnaud, qui l’a recueilli, l’a partagé avec nous et je l’en remercie.

 Je me rappelle toujours les paroles que nous disait un cousin de Maman qui était questeur au Sénat: «  Pauvres enfants, je vois beaucoup de nuages sur vos têtes et un avenir bien sombre!!! ». Cela se passait pendant les vacances d'août 1938...

 Hélas, l'été 39 devait lui donner raison… Ce fut une année noire pour les Français... et très triste dans ma famille car mon grand-père et ma grand-­mère nous quittaient le jour des    Rameaux et le jour de Pâques. Pour moi qui étais à peine adolescente, cela fut un grand choc. A la fin août, mon père était mobilisé en tant que réserviste, ayant déjà fait la guerre de 14-18 et été gazé. Voilà comment je me suis retrouvée seule avec Maman.

  Je devais rentrer le 1er octobre, dans une école tenue par des Religieuses pour y apprendre la couture et la broderie comme toute fille de bonne famille, mais vu la situation il n'en était plus question... Autre orientation... je devais aider Maman à travailler dans les champs et soigner les bêtes... il fallait dépiquer le blé qui était en gerbière : je me rappelle que les jeunes gens qui n'étaient pas partis pour le front, sont venus nous aider ainsi que d'autres voisins. Finalement, j'en garde un très bon souvenir...

Puis, il a fallu faucher, sécher et rentrer le regain; octobre est arrivé, nous avons vendangé, aidées par des cousins et des voisins, puis effectué la cueillette des pommes. Papa a eu une première permission pour les semailles. Nous avons rentré du bois pour l'hiver car, en ce temps-là, la cheminée avait un grand succès. La récolte du maïs dont l'effeuillage se faisait à la maison, donnait lieu à des réunions entre voisins et jeunes: nous mangions des châtaignes et gouttions le vin nouveau quand le travail était terminé…

Et la TSF diffusait toujours le même communiqué: « Rien à signaler sur le front: tout est calme.»  Les mois ont passé et Papa a été démobilisé. Puis, les événements se sont précipités sur le front: nous avons eu un afflux de réfugiés belges et alsaciens. Pendant quelques mois, nous avons hébergé deux jeunes filles dont les parents étaient accueillis dans une autre     famille en attendant de les réunir dans une maison.

 Parmi ces réfugiés, il y avait un couple d'une grande discrétion: tous les jours, il venait chercher du lait à la ferme. Le mari demandait à mon père s'il n'avait pas du travail pour lui et son épouse. Nous avons très vite compris qu'ils ne manquaient pas d'argent mais qu'ils avaient faim. Nous les avons aidés dans la mesure de nos possibilités en les invitant à. partager nos repas assez souvent. Lui s'intéressait beaucoup à la politique. Un jour, il a demandé à mon père s'il pouvait venir écouter les informations à la TSF, pas Radio Paris, mais Radio Londres. Cette dernière commençait ses émissions par une chanson qui disait:

« N'écoutez pas Radio Paris, Radio Paris ment, Radio Paris est allemand » Le monsieur venait tous les jours mais, à la belle saison, nous étions encore dans les champs à 1'heure des informations; alors mes parents ont décidé de faire confiance à cet homme et lui ont enseigné l'endroit ou était cachée la clef de la porte. Il rentrait, écoutait le poste, refermait et s'en allait. Cela a duré jusqu'à la fin de la guerre.

Avant de partir, ils sont venus tous les deux nous remercier et nous ont montré leurs vrais papiers d'identité: ils étaient Juifs Allemands et avaient fui le nazisme. Ils sont partis et jamais plus nous n'avons eu de leurs nouvelles. Nous avons gardé d'eux un bon souvenir.    

 

Mes remerciements Serge Arnaud pour le partage de ce témoignage.

Merci à Laure Pagès pour la photo d'illustration.

Ce post fait partie de la série sur le Lauragais agricole d'autrefois. Vos contributions seront les bienvenues comme rappelé dans ce post-ci : Ecrivons ensemble le Lauragais agricole d'autrefois (cliquer dessus)

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Rédigé par Emile

Publié dans #Lauragais agricole d'autrefois, #Métairies en 39-45

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A
oui je me souviens, cette chanson nous la chantions à la récréation, et l'Instit nous disait (vous chantes trop fort) il était blessé 14§18; Il y avait aussi des messages. Les Français parlent au Français ces messages était répétés.on ne savait se que sa voulait dire ils était destinés au F F I.<br /> Nous avions aussi des Maitre Valets Belges qui travaillaient une ferme, bien sur l'amitié était partagée, Il y avait une famille qui cachait un couple de Juifs, mais moi je ne le savais pas.La période noire de l'histoire de France.
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J
Merci pour avoir publié ces écrits d'une guerre dont les "resquits" comme on dit en occitan se sont fait sentir dans la campagne lauragaise.
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A
Superbe témoignage de la vie dans nos campagne pendant la guerre, remplie de solidarité discrète et d'empathie. Merci.
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