Lauragais d'Autrefois (31) : les tracteurs à chenilles
Publié le 1 Juin 2024
Grâce aux trésors photographiques partagés par la famille Nardèse, nous voici aujourd'hui face à un tracteur à chenilles. Et pas n'importe lequel, il s'agit d'un Mc Cormick International et plus exactement un TD18, semble-t-il.
Les tracteurs agricoles se sont développés en France depuis la fin de la 1ère Guerre Mondiale mais ils ont connu leur véritable essor dans les campagnes à partir des années 40. Cependant, dans bon nombre de métairies, leur arrivée s'est longuement faite attendre en rais, de moyens financiers limités ou de la force des habitudes du travail avec les boeufs.
Comme nous l'avait dit Emile dans l'article qui lui était consacré (ici), il se souvient parfaitement de cette transition qui, le concernant, a eu lieu au tout début des années soixante. "Nous avons beaucoup hésité car il y avait de nombreuses discussions autour de cela. Les anciens étaient contre, n'en voyaient pas l'intérêt car nous avions toujours travaillé avec les boeufs. Le propriétaire me mettait en garde, un tracteur c'était un investissement et de l'entretien, du carburant... Et puis, il y avait ces histoires d'accidents. De temps en autre, il en survenait un, parfois grave, qu'on apprenait. C'était souvent faute d'une maîtrise suffisante de l'engin. Et ici, dans les coteaux, il y avait un risque supplémentaire, une crainte... je sais que certains disaient qu'avec mes 15 hectares d'alors, je ne m'en sortirais pas en faisant cet investissement."
Pour cette transition, beaucoup de paysans ont conservé des boeufs pour les endroits les plus inaccessibles ou plus étroits comme la vigne par exemple ou pour utiliser des outils agricoles qu'on ne pouvait pas atteler au tracteur. Chez Emile, la transition s'est faite plus sèchement, la vente des boeufs ayant contribué à l'achat du tracteur. Si le changement a réduit la peine de travail et le temps qu'on consacrait à une tâche "peut-être par 10 !", Emile en avait nourri des regrets.
"Mon premier tracteur était un Farmall. Une fois garé sous le hangar, on réalise qu'on a face à soi un objet inerte, de tôle, sans émotion. On a beau dire ce n'est pas pareil que les boeufs auxquels j'étais très attaché et dont j'aimais m'occuper. Je me souviens encore du jour où ils sont partis. Le camion était garé dans la cour, là devant la maison, et il sont montés lentement à l'intérieur..."
Le TD18 présenté ici a été construit à 19000 exemplaires entre 1939 et 1955. Il est muni d'un moteur diesel International à six cylindres en ligne. Sa boîte comporte 6 vitesses. Ses deux phares lui donnent l'air imposant d'un curieux insecte. La version la plus large (2,33 m) dépassait 10 tonnes.
Cela a pu donner lieu à quelques anecdotes que l'on raconte encore dans nos contrées lauragaises. Aux abords des fermes, on avait parfois l'habitude de mettre la récolte de haricots secs sur la route pour que le passage des véhicules contribue à les battre pour les écosser. S'il arrivait par malchance que l'un de ces véhicules soit un tracteur aussi lourd que le TD18, on imagine sans peine l'état des haricots qui avaient eu le malheur de se trouver sur la trajectoire des chenilles d'acier...
Pour faciliter ces transitions, le Ministère de l'agriculture éditait des brochures pour accompagner pas à pas les nouveaux acquéreurs de tracteurs (voir photos). Nous en proposerons prochainement d'autres extraits.
Mes remerciements renouvelés à Berthe et Jean pour le partage de ces photos tellement évocatrices de ces vies d'antan.
Merci à Louis, Denis et aux membres de l'association LE PASTEL pour leurs éclairages précieux et le partage de leurs connaissances si précises sur les tracteurs.
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