Lauragais d'Autrefois (213) : souvenirs de la Guerre et de l'Occupation dans les métairies

Publié le 8 Mai 2023

Photo d'illustration - Documents d'époque

Photo d'illustration - Documents d'époque

 A l'occasion des commémorations du 8 mai, je vous repropose ce post avec le témoignage d'Aimé Boyer sur la période de guerre dans les métairies lauragaises.

La période de la guerre telle qu'elle a été vécue dans les bordes et les campagnes du Lauragais fait l'objet de témoignages. En voici un, exceptionnel, celui d'Aimé Boyer. Il avait 6 ans lorsque la 2nde Guerre Mondiale a commencé, 12 lorsqu'elle s'est enfin achevée. Son enfance a donc été profondément marquée par cette période qu'il a vécue près de Caraman. Voici les souvenirs qu'ils nous a confiés, ceux d'un gamin du Lauragais dans une période complexe de l'Histoire :

" Il y avait un chef de district par canton qui organisait le ramassage - les réquisitions - entre autres, des animaux, du grain etc…dans chaque ferme et selon leur superficie, pour nourrir l’occupant. 

Les Allemands passaient souvent dans les fermes, par deux, ouvraient les armoires, les placards. Il fallait leur donner à manger, leur faire cuire des œufs à la poêle. Si ma mère n’avait pas le temps, ils se les faisaient cuire eux-mêmes. Pendant que l’un faisait cuire, l’autre allait chercher du vin à la cave, j’ai souvent vu les mâchoires de mon père se crisper. En d’autres endroits c’était le jambon ou des légumes dans le jardin qu'ils choisissaient.

Ils faisaient des manœuvres régulièrement et ils passaient quand bon leur semblait sur la rangée de melons, en colonne, et dans le champ de blé, en tirailleurs, se couchant à tout moment. Il fallait voir la tête des melons et du champ de blé après leur passage, sans oublier celle de mon père !

On m'a aussi raconté cette anecdote : lors d'une soirée de beuverie - ils avaient dû abuser de l'eau de vie - ils auraient fait monter un cheval dans la chambre grand dam des habitants de la ferme.

Bien entendu il n’y avait pas d’armes car elles étaient réquisitionnées. Pour améliorer le quotidien, on attrapait donc des lapins avec des bourses - j’y étais très adroit - et aussi le furet. Mes parents avaient aussi acheté un petit moulin manuel pour faire de la farine en cachette afin de fabriquer du pain. 

A partir de 1940, nous avons vu arriver des personnes nouvelles qui cherchaient des denrées alimentaires. C’étaient des Toulousains qui venaient avec le train, et s’aventuraient à travers la campagne, sans aucun repère au début.

Les premières fois il y eut des contacts modestes, et comme ils revenaient toutes les semaines, des rapports d’amitié se sont crées et sont allés bien au delà de la fin de la guerre. Ils ont participé à notre vie, nos fêtes, nos deuils. Ils ont assisté au mariage des enfants qu’ils avaient connus petits. Il y a eu aussi des échanges, de type troc, et qu’on appelait communément marché noir. Ces Toulousains avaient accès , par des connaissances, des amis, à l’industrie. Ils pouvaient trouver des pneus de vélo, des sandales, des vêtements, du soufre, du vitriol, et toutes sortes de produits utiles à la vie courante.      

Le poste radio n'était pas autorisé. Le nôtre était caché sous le lit. Mon père et ma mère écoutaient les messages Les Français parlent aux Français, mais ne comprenaient pas ce qu’ils signifiaient.

Puis vint le débarquement en Normandie. Il nous tenait motivés ! Nous suivions, à l’aide de punaises, la progression des Alliés sur une carte pendue derrière la porte. Ma mère avait trouvé une carte de l’Europe. De même, nous suivions l’avancée de l’Armée Rouge. C’est moi qui, tous les soirs, m’acquittait de cette tâche.

J'ai  aussi des souvenirs de bombardements et particulièrement ceux de l’aéroport de Montaudran par l'aviation anglo-américaine le 6 avril 1944. Même si nous étions loin, en pleine nuit, nous entendions le vrombissement des nombreux avions, des bombes qui tombaient en sifflant avant d’exploser en illuminant le ciel puis le retour des avions qui passaient entre Caraman et Villefranche ; ils laissaient tomber les enveloppes des bombes que nous ramassions comme des souvenirs."

D'autres souvenirs d'Aimé Boyer sur le sujet dans un prochain post. Je le remercie très sincèrement de m’avoir une nouvelle fois confié cette tranche de vie exceptionnelle.

Ce post fait partie de la série sur le Lauragais agricole d'autrefois. Vos contributions seront les bienvenues comme rappelé dans ce post-ci : Ecrivons ensemble le Lauragais agricole d'autrefois (cliquer dessus)

Pour retrouver facilement ces posts et les voir dans leur ensemble vous pourrez cliquer sur la nouvelle catégorie du blog : Lauragais agricole d'autrefois ou sur l'onglet en haut de page. Ils seront également écrits en bleu pour les distinguer des posts du quotidien de la vie d'Emile.

 

  

Rédigé par Emile

Publié dans #Lauragais agricole d'autrefois

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A
Très intéressants ces souvenirs de guerre, ils sont hélas de plus en plus rares. Merci.
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B
Merci de votre agréable remarque, raconter ce qu'on à vécu est facile<br /> Mais il faut pour faire tourner la mémoire, un repère. Ici s'est Émile, qui tous les jours mots à mots, à révéillés mes souvenirs Merci .