Lauragais d'autrefois (3) : souvenirs des battages dans les années 50
Publié le 26 Juillet 2019
« Le fauchage réalisé, nous faisions des gerbes puis des tabels dans les champs, ces petits tas de gerbes inclinés qui attendaient le passage de la charrette pour les rapporter dans la cour de la ferme. Là, nous faisions de gigantesques gerbiers. Le blé, l’orge et l’avoine stockés ainsi attendaient le passage de la machine à dépiquer de M, le forgeron d’A. Les gerbiers étaient surmontés de gerbes inclinées pour faciliter l’écoulement éventuel de l’eau et nous louions aussi des bâches pour les protéger en attendant de dépiquer.
On s’entraidait ces jours-là, entre voisins, cousins, famille et on se rendait les journées de travail. C’était d’ailleurs un travail pénible sous la chaleur. Il fallait transporter les gerbes, les sacs de grain. Mais c’était joyeux, on riait beaucoup malgré la difficulté. Nous les femmes de la maison, nous participions de différentes façons. Certaines devait assurer le repas pour tout ce monde : il fallait qu’ils soient copieux, tout le monde avait très faim. D’autres, comme moi, aidions aux battages. On disait dépiquer.
On attendait impatiemment que ce soit notre tour. Le jour donné, on installait, de très bonne heure, la batteuse dans la cour à côté du gerbier. On installait les courroies que l’on reliait au tracteur qui produisait la force motrice. M. le forgeron venait avec son tracteur Ford ainsi qu’une presse pour faire les balles de paille au fur et à mesure.
Dans un grand fracas mécanique et beaucoup de poussière, la machine se mettait en marche.
Une personne était chargée, de mettre les gerbes dans le bon sens sur la rampe qui les montait en haut de l’appareil. Là, une personne, souvent c’était moi à la maison, j’étais la femme la plus jeune, les récupérait au fur et à mesure, les déliait rapidement en prenant soin de sectionner la corde au niveau du nœud. On récupérait tout. On en faisait de gros bouquets afin de pouvoir s’en resservir pour les petits travaux du quotidien.
Parfois, pour plaisanter, la cadence de l’arrivée des gerbes augmentait trop ou on les plaçait à l’envers sur la rampe, je donnais un petit coup de coude et la gerbe dégringolait sur l’envoyeur. On riait.
Une autre personne récupérait les gerbes que j’avais déliées pour les engouffrer dans l’ouverture de la machine qui les happait. D’un côté, le grain tombait par des bouches pour remplir des sacs de jute, ils pesaient 80 kg. On remplaçait vite fait un sac plein par un vide et on les transportait sous le hangar en attendant que le camion de la C.A.L. (Coopérative Agricole Lauragaise) vienne les récupérer. Cette opération de force mobilisait trois ou quatre hommes assez jeunes.
De l’autre côté de l’imposante machine, la paille tombait directement dans la presse qu’on avait pris soin d’installer tout près. A intervalles réguliers, une personne était chargée d’introduire une aiguille dans les bottes de foin, il s’agit en fait d’un outil pointu permettant de séparer l’agglomérat de paille pour le diviser en balles régulières. Une autre personne, munie d’une fourche de bois récupérait les àbets qui jonchaient le sol, c’étaient des débris de paille mais là encore, on ne voulait rien en perdre.
Cette opération était extrêmement poussiéreuse et la chaleur qui régnait la plupart du temps n'arrangeaient rien à l’affaire.
Parfois, l’un de nous, innocemment, se rendait près de l’échappement du tracteur pour se débarrasser d’un peu de poussière. Il suffisait d’une accélération facétieuse pour qu’il se retrouve noir corbeau. Cela faisait rire tout le monde. On ne parlait pas encore du danger des particules.
Ce jour là, on faisait successivement, en changeant les grilles, l'avoine, l'orge et le blé. Une dizaine d’années plus tard, au début des années 60, tout cela était terminé. Les moissonneuses-batteuses avaient pris le relais sauf dans les penchants qu’on faisait encore à la faux. »
Merci à Paulette D. pour son témoignage
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